Benjamin Guedj, Designer multidisciplinaire

"Le beau, à regarder, c’est une émotion qui me touche."


Le Monde de RÉUNI explore l'univers, le parcours et les points de vue d'artisans, d'artistes, d'entrepreneurs, de personnalités des industries créatives et culturelles qui contribuent à la préservation et à la valorisation des savoir-faire et qui influencent d'une manière ou d'une autre notre esthétique et notre art de vivre.


C'est très jeune que Benjamin Guedj se fascine pour le graphisme et l’objet, il en a d'ailleurs fait son métier et se définit aujourd’hui comme designer multidisciplinaire. Photographie, architecture, modélisation sont autant de compétences au service du design, qu’il appréhende pas à pas comme il aime à le dire. Réel et virtuel sont des mondes aux frontières poreuses qu'il aime faire dialoguer et dont il explore les contours quotidiennement.


Entrepreneur dans l’âme, il crée sa propre marque à seulement 12 ans, puis développe un second projet entrepreneurial avec son père qu'ils revendent en 2011. En parallèle, il affute son regard sur le design, et met ses compétences graphiques et digitales au service de grandes marques comme Sézane ou Captain Train.


S'il s'est fait connaître grâce à son imagerie 3D minimaliste et colorée, Benjamin se concentre désormais sur le design d'objet avec sa propre marque Bureau Benjamin dont le première série de lampes La Meringue connaît un franc succès.


Bonjour Benjamin, comment te présentes-tu hors de ton contexte professionnel ? 


Je me présente en tant que designer multidisciplinaire. Je fais du graphisme à la base et aujourd'hui, je fais de la 3D et des objets.


Tu me reçois dans ton appartement du 11e arrondissement, est-ce que tu peux me décrire ton appartement ? 


C'est mon premier achat donc c’est un appartement important pour moi. J’avais envie de le faire à mon image, de le décorer, de casser un peu ce qu'il y avait dedans. Il est assez brut, en termes de matériaux, je voulais quelque chose d'assez chaud. Il y a cette cuisine, que tu vois tout de suite en rentrant. Je l’ai faite faire à moitié au Portugal pour le plan de travail en marbre, et à moitié avec un menuisier pour les portes en chêne teintées. J’ai passé beaucoup de temps dessus, c'était très long au final, au regard de la taille de la cuisine, qui n’est pas si grande. C’est quelque chose d'assez brut et parisien à la fois, avec des touches de couleur, qui me ressemble plutôt bien finalement. Tu verras toujours du rose et du orange chez moi. J’aime bien avoir des touches de couleurs, contrairement à mes 3D d’ailleurs. J’aime bien mélanger quelque chose d’assez brut avec des touches de couleurs.   


Parle-moi des objets qu’il y a dans cette pièce…


Ici, il y a la Petite Meringue, qui est la lampe que je suis en train de sortir, mais qui est toujours en fabrication, car j’ai pris un peu de retard. Derrière toi, il y a la Grande Meringue. Ce sont donc des lampes que je vais bientôt sortir. En dehors de cela, il y a d’autres petits objets électroniques que j’aime beaucoup, la petite enceinte Sonos, la petite bouteille Goodmoods vert, la machine à café qui est une Rocket Espresso, et qui me tient à cœur. Il y a une petite lampe Artemide, que j’adore et que j’ai depuis le début. Des objets assez simples finalement, qui me rassurent. 


C’est intéressant, pourquoi un objet te rassure ? 


Je pense que cela remonte à l’enfance. J’habitais en banlieue parisienne avec mes parents et ils n’étaient pas très décoration ou pas très enclins à choisir telle ou telle couleur. Donc j’ai créé mon propre monde via ma chambre et pour moi le moindre print ou le moindre objet que je pouvais avoir était une façon de m’évader dans ma créativité. Je pense que chaque objet me rassure. Le beau, à regarder, c’est une émotion qui me touche.


Comment décris-tu ton esthétique ? 


Minimal, coloré, je pense que c’est mon esthétique. Je n’en suis qu’au début d’un point de vue visuel, mais ce que je montre sur mon Instagram et ce que je construis virtuellement, c’est un peu le chemin que j’ai envie de prendre. Demain, si je construis des lieux, ce que j’espère, cela ressemblera à ce que j’ai pu designer sur mon Instagram. Dans mon esthétique est minimaliste et colorée, tu trouveras toujours des formes chaleureuses comme mon canapé boudin vert par exemple, c’est toujours des choses qui t’enveloppent. 


Comment es-tu arrivé à cela ? 


Je viens du graphisme à la base et j’ai beaucoup travaillé avec les formes rondes et les volumes dans l’espace, donc j’ai travaillé mon œil dans ce sens là et aujourd’hui c’est ce que j’aime. Tu ne verras jamais quelque chose de très carré chez moi, tu verras toujours des angles arrondis. C’est comme cela que c’est venu, mais il y a aussi des choses que je n’explique pas. Je pense que le gabarit joue aussi. J'avais des cours de mode à l’école et ils nous avaient expliqué que l’on dessinait des silhouettes qui ressemblaient beaucoup à notre propre morphologie, j’avais trouvé cela marrant, car j’étais incapable de faire une silhouette de femme très fine et finalement, je n'arrivais pas à dessiner comme ça, je dessinais des choses très rondes. 


Un peu comme la Meringue…


Oui exactement. Je suis assez gourmand comme garçon et je suis attiré par l’art japonais. Tu peux voir que l'abat-jour reprend des codes japonais avec les lampions. J’ai aussi une fascination pour les vases et les formes et j’ai fait un mix des deux. J’en ai donc fait en petit et en grand, j’avais envie de la sortir dans toutes les tailles, je suis assez fasciné par les tailles. La Meringue est donc le premier objet, à mon image, et les objets suivants seront dans le même esprit. 


Quel est ton parcours, qu’est-ce qui t’a amené à devenir designer d’objet ? 


J’ai commencé assez tôt à m’intéresser à l’objet. Quand j’étais en primaire, le père de mon meilleur ami était PDG de la marque de streetwear Royal Wear et on passait nos vacances scolaires là-bas et j’étais fasciné, je passais mon temps à regarder les graphistes qui floquaient les t-shirts. Je me disais que c’était ce que j’avais envie de faire de ma vie. La marque cartonnait donc j’avais une sorte d'illusion parfaite que ce que pourrait être le futur associé à un job amusant. Cela passait par l’objet, par les fans, par la boutique, on passait beaucoup de temps dans la boutique. Cela a beaucoup façonné ma vision pour la suite et j’ai monté une marque de vêtements à mes 12 ans. C’était une marque de t-shirt qui s’appelait Brands et je dessinais des choses drôles et esthétiques à la fois. Par exemple, j’avais fait un visuel d’une Barbie avec de la barbe qui s’appelait Barbu. C’était l’époque où l’on faisait des t-shirts funs et esthétiques à la fois. J’avais cette folle envie d’entreprendre.  À l’époque j’ai quand même vendu entre 300 et 400 t-shirts, j’avais créé mon site web, c’était le début du e-commerce. Et à ce moment, je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup le digital et je suis entré dans cette vague de webdesigner, j’ai créé un site qui permettait d’envoyer des sms. Cela a duré un peu de temps entre le collège et le début du lycée et je devais gérer un peu tout à la fois. Il fallait faire un choix qui me permette de rester à l’école, mais sans quitter ce que j’avais créé. Mon père a démissionné, nous avons monté une équipe et c’est devenu un projet sérieux qui a bien grimpé jusqu'à la revente en 2011.


C’était un gros business ? 


Oui quand même, on envoyait plus de 3 millions de sms par mois. 


 Quel âge avais-tu  ? 


J’avais 21 ans. À partir de là, j’ai intégré une école de graphisme mais cela ne se passait pas très bien car je n’avais pas envie d’aller à l’école, j’avais envie de travailler. À ce moment-là, je rentre dans une agence de webdesign et je développe mes compétences. Je commence à toucher à des sujets un peu plus luxe avec Dior par exemple et je suis passionné, je suis jeune, mais on me laisse faire des choses dans le monde des grands. Je deviens rapidement freelance et je travaille un peu pour tout le monde. Je rencontre Morgane Sézalory pour le lancement de Sézane, on s’est très bien entendu et j’ai géré la Direction Artistique de la marque, j’ai aussi travaillé pour Captain Train. Je me suis promené un peu partout et à un moment, je me suis dit qu’il me manquait quelque chose. Je suis quelqu’un d’anxieux et je passais beaucoup de temps derrière un ordinateur. Il y a eu un trop-plein d’informations, de lumières bleues, d’écrans donc il fallait que je revienne à mes premiers amours : l’objet. Avant de faire cela, je voulais apprendre l’objet, la 3D me semblait être un bon médium. J’adorais l’architecture d’intérieur. Il y a une vague de personnes depuis dix ans qui font des rendus 3D pour les catalogues IKEA, personne ne le sait, mais tout le catalogue est modélisé en 3D. J’étais fasciné par cela et je me suis mis à la 3D, mais ça demande beaucoup de compétences : la modélisation 3D, la photographie, les textures, la lumière, l'architecture, la gestion de l’espace. Donc j’ai dû mélanger toutes ces compétences et cela m’a pris environ deux ans pour me stabiliser. Je n’arrêtais pas de modéliser des objets, je ne trouvais pas et je suis arrivé un matin à la lampe meringue. J’étais à l'aise de sortir une lampe, ça me ressemblait. Je suis passé du design 3D à un projet de fabrication de lampes. Ensuite, j’ai eu une année de R&D pour trouver les bons fabricants et essayer de rendre le projet réel. J’ai appris la patience pendant toute cette année. J’ai aussi appris à savourer l'effort et le réconfort de recevoir le premier objet. Ma Meringue, elle a une texture de peau, c’est le polymère qui donne ce rendu et la première fois que je l’ai touché, j’ai été électrifié, c’est assez fou de se dire que l’on part d’un dessin en 3D et que l’on peut arriver à la vie réelle.


La 3D offre un très grand champ des possibles, il n’y a pas de contraintes…


Au début, j’avais envie de tout faire, un NFT, une cuisine, un jeu vidéo, un clip pour Madonna. Mais quand tu commences tu dois apprendre à maîtriser la discipline et ce que tu fais est plutôt moyen. Puis, il arrive un moment où tu dois te concentrer, j’ai pris la direction de l’architecture et de la décoration très naturellement. Au début, je faisais beaucoup de salles de bains, car c’est un cube, et pour moi, c’est un peu comme une page web où tu viens poser ton lavabo, ta douche, ton carrelage alors que dans une autre pièce, tu dois composer avec un espace plus vaste. 


Comment est-ce que l’on trouve son langage, la cohérence ? 


Les formes et les couleurs reviennent, j’ai une palette qui s’est dessinée, par exemple, j’utilise beaucoup de "glossy" (brillant). On m’a beaucoup parlé de ma lumière et du soleil dans mes visuels donc là, c’est plutôt un travail de photographe. J'essaye de créer une ambiance, une atmosphère. Dans les premiers rendus que j’ai fait, il y a un train, une laverie, je suis fasciné par les laveries. Il y a une notion de temps dans ces endroits. Je pense que j’ai créé mon esthétisme dans ces types d’atmosphères. J’ai appris à modéliser des meubles, au début, ils étaient dans de mauvaises proportions, j’ai appris petit à petit à voir où je pouvais être pertinent et d’année en année je peaufine. 


Qui vit dans ces endroits ? 


Personne ne vit vraiment dedans, mais j’essaye depuis un an de réinjecter des objets qui rentrent dans les intérieurs des gens tout en essayant d’avancer vers un mood plus fantasmé de l’image. On se rend compte aujourd’hui que dans la déco de demain, il y aura des tendances du moment, ceci est lié au fait que l’on soit bloqué à cause du Covid. On dessine des mobiliers de compagnie, il y a des mobiliers qui ressemblent à des petits chiens par exemple. Je pense que c’est intéressant d’aller dans un sens cinématographique ou une vision de notre époque pour en retirer un objet. Mais personne ne vit dans mes visuels. Je rêverais de prendre certaines de mes scènes pour en faire une expo où des gens passent. 


Et la réalité virtuelle… tu pourrais créer un monde virtuel finalement ?


Comme le sujet du metaverse dont tout le monde parle en ce moment ? 


C’est quoi le metaverse ? 


Il y a plein de définitions, personne n’est d’accord et ça fait peur à une personne sur deux. Pour moi, c'est juste un endroit virtuel, comme Instagram par exemple. Tu peux mettre un casque virtuel ou pas, tu peux lancer un site ou pas. C’est juste posséder des objets virtuels, c’est vivre comme on le fait aujourd’hui dans un monde virtuel. Il y a des gens qui sont heureux et d’autres qui sont malheureux de ça.


Pourquoi sont-ils malheureux ?


Cela fait souffrir beaucoup de monde d’être enfermé et de passer sa vie derrière Instagram. Développer la continuité de cette vie virtuelle, c’est plutôt effrayant. On va posséder des objets virtuels qui feront notre richesse dans un monde virtuel et le monde réel sera déprimant. Mais c’est juste la continuité, on passe déjà notre temps dans des mondes virtuels, on le voit bien par exemple avec les NFT qui cartonnent. La révolution NFT a commencé avec les 3D artists, il y a eu un appel à créer plein de choses, mais il fallait rester fidèle à sa vision artistique. Ma vision, c’est de continuer de faire ce que je fais depuis quatre ans, créer des lieux dans lesquels les gens peuvent vivre, même virtuellement. Je discute avec des pop stars en ce moment, qui veulent créer des lieux fantasques virtuels pour faire des concerts, comme ce qu’a fait Travis Scott pendant le confinement. Au début, ça fait peur, mais si tu te laisses porter et que tu fais la part des choses cela devient drôle. 


Revenons au monde physique, créer un objet, c’est compliqué et c’est long, comment tu t’y es pris ? 


Je suis allé voir des fabricants de lampes. Aujourd’hui, je travaille avec des Niçois qui s’occupent de tout. Je cherchais des personnes qui avaient un savoir-faire électrique, céramique. Je voulais apprendre rapidement avec des personnes qui maîtrisent toute la chaîne. Ce qui est bien avec mon process, c’est que je gère tout, mais ce qui est plus compliqué, c’est qu’il faut gérer tous les projets à la fois. Il fallait gérer le packaging, il fallait tout gérer, la vente sur mon site aussi. 


Tu en as beaucoup vendu ? 


Oui, beaucoup plus que ce que je pensais, donc j’ai relancé une deuxième production. 


Aujourd’hui tu vends en direct, tu n’as pas de distributeur ? 


Oui, je vends en direct et c’était aussi un peu un pari de vendre de la décoration en direct.  Je voulais casser ce mythe du designer qui vend des objets trop chers. Je voulais faire quelque chose d'accessible, de beau et le vendre en ligne. Pour l’instant, cela fonctionne. 


Tu vas continuer de vendre en direct ? 


Oui et j’ai trouvé mon fabricant, j’en avais testé trois à la base. Il y a eu beaucoup de retard dans la production liée au Covid. Nous avons avancé step by step, d’abord l’abat-jour, puis la céramique. Je me suis rendu compte que la céramique pouvait changer de forme à la cuisson, je me confronte à des sujets comme cela où tu as un prototype très bien et en production ça change un peu. C’est assez cool de découvrir ce process, ce qui est compliqué, c’est de se détacher de la 3D. Par exemple, le fabricant va te dire qu’on enlève certains détails ou que l’on change l’angle à la base de l’objet sinon il va tanguer. Il faut donc s'adapter, modifier un peu son design, faire des compromis. C’est là où j'apprends beaucoup, car un designer industriel connaît beaucoup mieux ce métier.


C’est ce qui permet aussi de repousser les limites ? 


Je pense oui. Quand je vais voir les fabricants, je leur dis “ venez, on s’amuse”, c’est le début d’une nouvelle chose, les gens sont confinés donc ils ont envie de décoration. J’ai trouvé un fabricant qui m'accompagne là-dessus, il est flexible et par exemple, il est d’accord pour doubler la production en cours de route. C’est vraiment bien, car j’ai des problématiques de start-up finalement : la logistique, la vente, la trésorerie. 


Où souhaites-tu aller avec ce projet ? 


J’aimerais bien créer la maison jusqu’au bout. Pour moi, il n’y a pas de limites, j’ai envie d’aller le plus loin possible. Demain, si j’ai envie de créer des buildings, j’aurai des contraintes, mais je m'adapterai. J’aime bien me dire qu’il n’y a pas de limites, comme dans la 3D, comme ce que je fais en général. Je vais y aller step by step, je vais apprendre sur la production, le design industriel, l'architecture. Il y aura, j’espère, les autres objets du salon : le sofa, le fauteuil, la table basse, j’aimerais sortir tous ces objets. 


Nous sommes dans le 11e arrondissement, pourquoi as-tu choisi ce quartier ? 


C’est un hasard, je suis arrivé avec ma mère ici, il y a une dizaine d'années lorsque mes parents se sont séparés. Nous étions rue Chanzy, pas très loin d’ici. Je suis tombé amoureux du quartier, je vivais une nouvelle vie et je ne suis pas parti, j’ai cherché un nouvel appartement ici. J’adore cet endroit, car il y a un mélange de bon goût sans se la raconter.


Tu travailles dans ce quartier ? 


Non, je suis à Strasbourg Saint-Denis, c’est une autre ambiance. Je partage un bureau avec des amis. Ce n’est pas très loin d’ici, je fais les allers-retours en trottinette. 


Tu es geek jusqu’au bout finalement ? 


Quand Lime est sorti, j’ai trouvé qu’ils avaient révolutionné les transports. Le métro, finalement, c’est assez oppressant, donc c’était soit la trottinette, soit le vélo. C’est très pratique, en 10 minutes, je vais au travail. 


Quels sont les lieux que tu aimes particulièrement à Paris et qui te font voyager ? 


Je vais beaucoup au restaurant. Je voyage beaucoup en mangeant, j'adore me promener et tester de nouvelles adresses. Dès qu’il y a des nouveaux restaurants à tester, j'aime bien y aller. 


Comment trouves-tu ces nouvelles adresses ? 


Soit sur Instagram, soit mes amis me font des recommandations. Je bouge beaucoup comme cela. Cela me rend vraiment heureux de me dire que demain, je vais tester quelque chose dans le 3e arrondissement, puis après dans le 8e arrondissement. Finalement, c’est un peu comme cela que je voyage, à défaut de prendre le train et l’avion. 


Est-ce que tu prends le train ou l'avion parfois ? 


Oui, parfois, dès que je peux aller en Normandie ou en Bretagne, j’y vais. J’ai de la famille qui habite vers Cannes donc je m’y rends régulièrement. Je travaille beaucoup. Je ne voyage pas assez, je trouve. J’ai des vagues où je voyage beaucoup et d’autres où j’oublie de voyager parce que je suis obnubilé par ce que je suis en train de faire et il peut se passer huit mois ou un an sans bouger.


À quoi ressemble ton quotidien ? Tu es souvent derrière ton écran ? 


Je suis beaucoup sur mon ordinateur. Mon quotidien est assez simple, le matin, j’ai un peu de mal à démarrer et j’aime bien cogiter, je réfléchis à l’avenir. Il se passe un million de choses le matin et j’ai du mal à partir au travail. J’arrive au bureau complètement excité puis ensuite, je fais ma journée comme un bon petit soldat. Je me suis créé une rigueur, car j’ai envie d’aller au bout de ma passion et de mes rêves. Quand tu es en freelance, tu peux vite partir à droite ou à gauche. J’essaye de m’imposer un rythme, je quitte le bureau tous les jours à la même heure entre 19h et 19h30 et je ne travaille pas le soir. Donc un quotidien plutôt banal en termes de rythme. 


C’est cette monotonie qui te permet de sortir des choses ?


Je crois que oui. Il y a des personnes qui m’envoient des DM (messages directs) sur Instagram et qui me demandent comment je travaille. Je pense que, premièrement, il ne faut pas se mettre la pression, c’est mauvais pour la créativité. Mais surtout, j’ai pris un rythme avec un temps pour créer et un temps de pause. Il faut apprendre à vivre avec ce rythme. 


Est-ce que tu es heureux dans notre époque ? 


Je pense que je suis dans une forme de déni, car cette époque m'inquiète. Je suis anxieux et beaucoup de choses m’inquiètent.


Qu’est-ce qui t’inquiète ? 


J’avais une mère qui était très inquiète pour ses enfants et qui m’a transmis cela. Le futur m'inquiète comme beaucoup de personnes. J’ai toujours l’impression que tout va s’arrêter le mois prochain, donc je me réinvente en permanence. Je me suis créé une forme d’exigence qui me rend inquiet sur le long terme. 


Comment est-ce que tu te réinventes ? 


Tous les matins, je passe une heure à me poser des questions. En rencontrant des gens, des entrepreneurs, qui m’ont beaucoup inspiré comme Morgane Sézalory ou Jean-Daniel Guyot qui a fondé Captain Train. Ces personnes te poussent, ils se remettent en question en permanence, ils ont une vision. Ils sont en alerte, ils ont l’esprit start-up, ils prennent des décisions rapidement. Du coup, je ne pourrais pas dire que je vis mal la pandémie. 


Elle t’a plutôt servi… 


Plutôt oui et je ne suis pas forcément d’accord avec certains de mes amis ou avec ma copine qui, elle, subit la pandémie, là où moi, j’étais en train de me dire, il faut que l’on se réinvente. Par exemple, plein de personnes pensent qu’Elon Musk est complètement fou avec ses navettes dans l’espace, mais moi ça m'excite, je me demande comment il le fait, avec quels matériaux. Donc je ne suis pas forcément très en phase avec la réalité, cette société un peu figée où l’on ne peut pas voyager comme on le souhaite. 


Nous sommes dans une époque où tout est possible et en même temps tout est très lourd, il y a beaucoup d’actualités anxiogènes…


À chaque crise il y a toujours eu des opportunités. Je me souviens d’un de mes professeurs à l’école qui nous disait, si vous pensez que l’on vit dans une époque sombre, pensez aux années 40-45. C’est facile de dire cela, mais l'homme a toujours été sombre et il a toujours eu des opportunités ou des menaces, j’ai l’impression que l’on peut se positionner d’un côté ou de l’autre de la barrière, c’est un mood dans la vie. Soit tu avances avec une idée d’un futur, soit tu t’aperçois que cela ne fonctionne pas et tu sombres, mais je reste optimiste sur l’être humain. 


Quel est ton rapport aux vêtements ? 


Je suis très “basique”, j’aime bien avoir une petite touche de couleur, mais je reste très basique, je peux aller chez COS ou chez Uniqlo. J’aime bien les sneakers, je peux m'acheter une petite paire d’ACNE ou d’AMI par plaisir. J’ai une paire d’AMI que je porte tout le temps, il y a un morceau d'élasthanne à l’arrière de la chaussure qui m'a rendu psychopathe, pendant trois mois, je n’ai pas arrêté de regarder ce morceau d’élasthanne. J'adore regarder les collections et les défilés. Je suis le premier à regarder un Loïc Prigent. Ma copine est aussi dans la mode. Les créateurs m’ont toujours fasciné. L’excitation de la création jusqu’au dernier moment, juste avant de sortir les collections, c’est quelque chose qui me fascine. J’avais suivi le lancement de RÉUNI à l’époque et j’adore ce que tu fais et le fait d'étudier les gens, de trouver des solutions, comment on peut bouger, comment on peut créer un nouveau modèle, c’est aussi ce qui m’a toujours passionné et je trouve que RÉUNI, c’est aussi la résultante de cela. 


Qui souhaiterais-tu entendre dans le monde de RÉUNI ? 


J’aimerais bien découvrir le monde de Titya Ravi qui est une créatrice de bijoux, c’est une bonne amie qui a une histoire passionnante à raconter. 


Tu es la première personne qui n’a pas voulu que je photographie son intérieur… 


C’est une forme de timidité plus que de “control freak''. Mon bureau n’est pas très glamour non plus. J'aimerais bien créer un lieu qui me ressemble un peu plus, même si ici, ça me ressemble. J’aime créer des lieux et j’en suis seulement au début.


À une époque où l’on communique beaucoup par l’image et via son intérieur, montrer quelque chose de non abouti peut être dangereux pour son image de marque…


Oui et par exemple, tous mes visuels sont très soignés. Je montre une image que j’ai envie de montrer et en même temps, je ne me montre pas moi. Il n’y a rien sur moi, j’ai juste envie de montrer ce que je fais et je suis un peu à contre-pied de l’influenceur qui va montrer sa vie. Cela me desservira peut-être dans le futur et je changerais peut-être, mais pour le moment, je me sens bien caché derrière ma 3D. 

Références :


Le compte Instagram de Benjamin Guedj : https://www.instagram.com/oursroux/?hl=fr

La marque Bureau Benjamin : https://www.bureaubenjamin.com/

Le site de Benjamin Guedj : https://www.benjaminguedj.com/

Goodmoods : https://www.goodmoods.com/fr/moodboards/la-consigne

Titya Ravi : https://www.instagram.com/tityaravy/



Fermer (esc)

Popup

Use this popup to embed a mailing list sign up form. Alternatively use it as a simple call to action with a link to a product or a page.

Age verification

By clicking enter you are verifying that you are old enough to consume alcohol.

Panier

Votre panier est vide.
Boutique