Déborah Pham, co-fondatrice de Mint Magazine et du restaurant Maison Maison"eat & explore"


Le Monde de RÉUNI explore l'univers, le parcours et les points de vue d'artisans, d'artistes, d'entrepreneurs, de personnalités des industries créatives et culturelles qui contribuent à la préservation et à la valorisation des savoir-faire et qui influencent d'une manière ou d'une autre notre esthétique et notre art de vivre.

 

Aujourd’hui nous partons à la rencontre de Déborah Pham, co-fondatrice du Magazine Mint et du restaurant Maison Maison. Elle nous reçoit chez elle, dans son petit appartement du 9ème arrondissement dans lequel elle vient tout juste d'emménager. Chez elle, chaque objet a sa place et sa propre histoire. Un mélange d'ustensiles de cuisine, de bouteilles de vins et de magazines. Car c'est bien la passion de la cuisine et de l'écriture qui l'amènent à créer Mint Magazine en 2013 aux côtés de son amie graphiste Noémie Cédille. 


Cette Alsacienne d'origine a développé son amour pour les saveurs et les bons produits en cherchant des alternatives végétariennes aux plats élaborés par sa maman dès l'adolescence. Très vite, elle développe une certaine conscience culinaire et cherche à comprendre ce que chaque ingrédient dit de son terroir, et ce que chaque tradition culinaire raconte d'un peuple. Sans cesse tournée vers l’extérieur à l’affût de nouvelles rencontres, d’expériences, de matières, elle écrit depuis toujours, comme pour se souvenir du moindre détail, de chacune de ses sensations.


Avec Mint, Deborah souhaite renouveler les points de vue sur le monde de la cuisine, mais aussi sur l'expérience du voyage, en recherchant l’intimité et l'authenticité avec les lecteurs.


Pour commencer, comment est-ce que tu te présentes quand tu es hors du monde professionnel ?

 

Le monde intérieur


De la même manière. Je pars de mon métier, je dis que je suis journaliste. Quand tu dis que t’es journaliste, cela en dit déjà pas mal, mais je précise généralement de quel journalisme on parle : celui qui me concerne, on dirait que c’est du journalisme « lifestyle », donc plutôt sur l’art de vivre, et la grande frange du journalisme que je pratique est liée au monde culinaire. Le magazine que j’ai fondé s’appelle Mint, c’est essentiellement ça, c’est la food et le voyage.

 

Est-ce que tu peux me décrire chez toi, où est-ce qu’on est déjà dans Paris, pourquoi tu es allée dans ce quartier-là, et parle-moi de ce lieu ? 


Alors c’est un hasard total. J’ai mis une annonce sur Instagram en disant que je cherchais un appartement. J’ai un talent pour ça, j’ai trouvé des appartements pour des amis, j’ai un côté Stéphane Plaza ! En revanche, je n’avais jamais trouvé pour moi. En même temps, j’ai gardé le même appartement depuis que je suis arrivée à Paris, ça fait plus de 10 ans maintenant. Il est situé dans le 9ème arrondissement de Paris. C’est un quartier que je connais pour souvent y manger et faire mes courses. Je suis à côté de ce restaurant génial qui s’appelle Cuisine. Et donc on est à côté de la rue Condorcet. L’appartement est un peu en « work in progress ». Je viens d’arriver, donc je n’ai pas totalement le sentiment de l’habiter en tout cas. Je te parlais d’espace tout à l’heure, je me sens habiter cet espace quand je suis avec mes amis ici.

 

Déjà, qu’est-ce qui t’a plu dans cet appartement ? Pourquoi as-tu décidé de venir ici ?

 

J’ai habité un an dans le 13ème sinon j’ai toujours habité rive droite, mais je me sentais assez isolée dans ce quartier. En habitant ici dans le 9ème arrondissement, je suis entre 5 et 10 min de tous mes meilleurs amis. C’est chouette de se retrouver. Je suis à côté de mon travail et j’ai l’impression d’être au cœur des choses quand je suis là. L’appartement, je l’aime bien je trouve qu’il a de bonnes ondes. Pour ne rien te cacher, deux choses m’ont tapé dans l’œil : la première, c'est que je fantasmais sur le fait d’avoir une baignoire ! Et la seconde, c’est que je fantasmais aussi sur le fait d’avoir une gazinière pour cuisiner, et avoir donc 4 feux.

 

Et pourquoi tu préfères cuisiner avec du feu ?  

 

En fait tu arrives à avoir une précision de chaleur, de cuisine : tu es plus en maîtrise de ce que tu fais.

 

Et d’ailleurs les chefs aujourd’hui, ils cuisinent plutôt au feu ou vitro ?


Dans beaucoup de restaurants maintenant, c’est recommandé d’avoir de l’électricité, notamment parce qu’il y a eu un incendie dans la rue de Trévise. Les restaurants sont contraints d’avoir de l’électricité pour des raisons de sécurité. Mais l’électricité c’est plus cher… Cependant la hausse de ce coût-là n’a pas encore été impactée sur les additions j’ai l’impression.

 

Là on est dans ta cuisine, donc j’ai envie de parler de nourriture surtout que tu m’as reçu avec de bonnes choses. Peux-tu nous décrire ta cuisine ? 


J'adore la cuisine ! Elle est très longue, et il y a un grand plan de travail ce qui est très pratique pour cuisine. On peut cuisiner à deux, à trois, même plus. On l’a déjà fait, et c’est ça qui est génial, ce n’est pas forcément moi toute seule. Elle est pratique, j’ai plein de rangements. J’ai envie de t’ouvrir mes tiroirs, pour que tu vois. J’ai beaucoup collectionné la vaisselle. Par exemple j'ai beaucoup recherché la ligne Messidor de Badonvillier. Ces assiettes-là datent des années 30, et elles ne sont pas vraiment blanches. C’est drôle, à un moment on a vu toute une vibe à Paris dans des restaurants où il n’y avait que ce type de vaisselle. D’ailleurs dans mon restaurant Maison Maison, il n’y avait que de la vaisselle comme ça. Il y a des terrines aussi, celles-ci viennent d’Alsace donc de chez moi. Je suis très chauvine, je me ferais un plaisir de te parler de l’Alsace.

 

C’est hyper beau ! C’est quelque chose de récent ou ça date aussi des années 30 aussi ?

 

Non non c’est récent. C’est dans un village où on fait beaucoup de céramiques. Tu sais que dans plein de régions de France il y a une spécificité au niveau de la poterie, et celle-là vient de Soufflenheim, qui est un village où il y a beaucoup de poteries. Et celle-là, figure-toi que je l’ai achetée à la Trésorerie, c’est drôle ça vient de chez moi, je la trouve trop belle, elle est mouchetée.

 

Et donc tu as pas mal d’ustensiles, tu es même bien équipée c’est quoi ça là-haut ?

 

Je l’adore, c’est mon rice cooker coréen, il parle. Quand des Japonais ou Coréens qui viennent à Paris, ils leur arrivent souvent de venir avec leur rice cooker, parce que ceux d’ici sont pas aussi précis. J’ai habité au Japon, il y avait un rice cooker, la maman le préparait la veille, et le matin au petit-déjeuner on en mangeait avec de la soupe Miso.

 

Et tu m’as fait un super café avec le Moccamaster.

 

Oui c’est un cadeau de ma mère pour mon emménagement de l’année dernière. Je l’adore. C’est du café filtre. Ce qui est drôle c’est que je viens de me mettre au café. Avant j’étais très chicorée, j’en bois encore ! Comme je te disais je suis alsacienne, on faisait un truc en Alsace, mes grands-parents faisaient de l’abendbrot en Allemagne. Le principe c’est que chacun a sa petite planche à découper, et au milieu de la table tu vas mettre de la charcuterie, des radis…. Et en fait on grignote, on ne mange pas vraiment. C’est un frichti si tu veux. Et finalement, tu manges ça avec un verre de vin pour les adultes souvent, mais la semaine c’est assez commun de boire une chicorée avec ça.

 

Mais la chicorée ça a le gout de café non ? C’est quoi une bonne chicorée ?

 

Là ce n’est pas que de la chicorée, c’est un mélange de seigle, malte, orge. Celle-là je l’ai achetée à la Biocoop. Et puis, c’est vraiment bon.

 

Il y a un côté un peu sucré non ?

 

Oui, il y a un côté céréalier, c’est très rond. Franchement je trouve ça très bon. Je le bois avec du lait, tandis que tu vois le café je le bois...

 

Noir sans sucre ?

 

Je te l’ai moulu minute. J’ai fait ça pour toi Adrien (rires). En fait il y a un côté rituel dans cette machine que j’aime bien, où je me prépare ma petite chose.

 

Et donc tu es une grande cuisinière !

 

Une grande cuisinière, non, mais j’aime bien faire à manger. 

 

Et un frigo, bien rempli... 

 

Il est bien rempli. Il y a pas mal de vins comme tu le vois. Et ça ce truc infâme, c'est un scoby. C'est pour faire du kombucha. J'avais acheté du kombucha au Petit Grain, une boulangerie trop chouette à Belleville dans laquelle ils vendent du kombucha maison. Le scoby c'est le dépôt qu'il y a dans le fond du kombucha. Cela fonctionne un peu comme de la fermentation, il faut mettre le scoby au froid et ça le met en sommeil, comme le levain.

 

D'accord, et tu l'alimentes régulièrement et tu fais du kombucha maison donc ? 

 

Le kombucha ce n'est pas très compliqué, c'est du thé noir. Après j'ai un copain chef, Florent Laden, pour ne pas le nommer, qui m'a dit que cela marchait avec des tisanes. Il est hyper local, et le thé pour lui ça vient de trop loin donc pas de thé dans son resto ! Il fait du kombucha maison avec des tisanes, des plantes. Ça doit fonctionner aussi avec du sucre, tu mets ton scoby, et tu attends quelques jours. Moi je goûte, parce que je le fais un peu à ma sauce.

 

On continue la visite dans ce salon-cuisine, qu'est-ce qu'on voit là ? 

 

On voit ma platine que je n'ai toujours pas branchée alors que ça fait quand même trois semaines que je suis arrivée. Avec, je ne sais pas si tu connais cet endroit qui est sur Hollywood Boulevard, ce grand disquaire. Je m'étais acheté ce truc-là. Je n’ai même pas envie d'en parler de mon poster avec écrit "Choucroute" en grand dessus, je crois que ça va devenir un peu lourd pour les gens qui nous écoutent. 

 

En plein déménagement tu as dû jeter plein de choses non ? 

 

Non mais je pense qu'il faut que je m'y mette. Et même des vinyles, quelqu'un m'a offert un vinyle de Taylor Swift un jour et je n’ai pas compris si c'était une blague ou pas. Mais tu vois ça fait partie des trucs que j'aurais mieux fait de ne pas apporter ici. Il y a une grosse collection de BD. Mes Lucky Pitch qui sont désormais introuvables. Pour moi c'est un des meilleurs magazines de bouffe au monde. C'est américain, c'était le magazine de David Chang, et qui est un chef qui a notamment fait les restaurants qui s'appellent Momofuku. J'y tiens particulièrement parce que j'aime bien les relire. Vu que David Chang est cuisinier, forcément ça lui donne un peu de profondeur, il a un insight différent. Ils sont vraiment bien ces bouquins. Ils ne s'adressent pas forcément aux gens qui sont à fond dedans.

 

Je vois qu'il y a une collection de vins, un petit bar sympathique. Quelles sont les bouteilles auxquelles tu tiens le plus ? 

 

Ça vient du côté de Banyuls. Ils font des bouteilles soufflées à la bouche pour le vin. Il y a aussi cette bouteille que j'ai achetée chez Soif, le caviste dont je te parlais tout à l'heure qui est à côté du Sans Souci, à Pigalle. Et en fait je lui ai demandé avec quoi je devais le boire. Céline Maguet qui a l'agence Soif et donc cette cave, m'a dit c'était un vin un peu méditatif, donc tu le bois avec des amis après un repas quand on continue à discuter. Je n'ai pas encore trouvé cet état de méditation visiblement car elle est toujours là. Il y a aussi un très bon mezcal. Il y a aussi la Quetsche de mon grand-père de 1986, je n’étais même pas née !


Et alors quand tu reçois ici, tu cuisines quoi à tes amis ? 


Je cuisine des trucs avec lesquels je suis plutôt à l'aise. En général j'évite de me mettre des missions de stress. Par exemple le fried rice que j'ai fait il y a deux jours, j'en ai refait hier pour des amis qui ont mangé à la maison. Quand je n'ai pas envie de m'embêter, je ne cuisine même pas, je mets des trucs sur la table et chacun se débrouille, j'aime bien que tout soit sur la table et que je ne sois pas trop en train de faire trente-six trucs à côté. 


Il faudrait un peu qu'on revienne sur ton parcours, pourquoi cette obsession pour la nourriture ?


J'ai commencé à cuisiner très tôt parce que quand j'avais quinze ans j'ai arrêté de manger de la viande. Ma mère en cuisinait, et généralement le principe des plats c'était "tu ne manges pas de bœuf bourguignon mais tu peux manger l'accompagnement". Selon les plats ça pouvait être un gratin dauphinois, une purée, mais à force j'allais devenir un sac à patates qui ne mange que des patates et de la salade. Donc, je me suis mise à cuisiner, à faire des plats végétaux, je faisais même du pâté végétal. A l'époque ce n’était pas aussi simple qu'aujourd'hui de se faire à manger végétarien. Maintenant, il y a énormément de livres qui parlent de ce sujet. 

 

Et presque tous les restaurants ont une offre veggie. 

 

Oui, mais quand j'avais quinze ans c'était pas trop le cas. C'est drôle, je me souviens que c'était une inquiétude pour mes parents. Ma mère m'avait emmenée voir une nutritionniste allemande qui disait "non mais c'est bien que tu en manges un petit peu, tu n'es pas obligée d'en manger tous les jours mais mange un peu de poulet ». Je me disais "mais qu'est-ce qu'elle me raconte". Bon j'étais une végétarienne qui mange quand même des produits laitiers, des œufs, donc aucun souci de carences. Quand j'étais gamine je mangeais de tout, ça amusait mes grands-parents parce que je mangeais des trucs pas très ragoûtants pour les enfants comme des rognons de veau. Les abats ne me choquaient pas. Mais comme je te disais, je ne sais pas les cuisiner, c'est dommage. Je pense que les rognons je pourrais savoir les faire. Mais tout ce qui est ris de veau, cervelle, ces trucs-là je ne sais pas faire. Je n’aime pas les tripes mais c'est la texture surtout que je n'apprécie pas. Cependant, j'aime l'idée que si on tue un animal, on mange tout, on ne gâche rien. Je fais hyper attention au gaspillage alimentaire. Je suis assez bien rodée sur le sujet.


Et alors, tu viens de l'Alsace de Strasbourg ? 

 

Non je ne viens pas de Strasbourg, je suis née à Guebwiller sur la route des vins. J'ai grandi pas très loin du territoire de Belfort. 

 

Comment tu décrirais ton esthétique ? Est-ce que tu penses avoir une esthétique particulière ? 


Non, pas du tout. En fait, dans cet appartement j'ai pris tous les objets que j'avais dans mon ancien appartement et je les ai rangés ici. J'ai vraiment envie de prendre mon temps pour la décoration. Sinon ce sont des objets qui m'accompagnent depuis longtemps : l'ours de Kumamoto, je l'avais acheté à Kumamoto, sur l'île du Kyūsū. Mais je n'ai pas vraiment d'esthétique particulière. Par exemple les chaises de la cuisine, c'était les chaises de la cuisine de ma grand-mère. C'est drôle parce qu'elles ont une esthétique très actuelle. Mais chez elle, c'était autour d'une table en formica, avec la nappe cirée. 

 

Et c'était quoi l'esthétique de ton enfance ?

 

C'était ces chaises, mais il faut que tu imagines ces chaises avec une cuisine en formica bleue. Mais un bleu presque Majorelle. Avec des motifs pas possibles sur les nappes. Un peu vieillot mais rassurant. Mes parents ils aiment bien ce qui est moderne, et moi à l'inverse j'aime bien les vieilles choses, sûrement parce que je suis nostalgique. La carafe c'était à ma grand-mère aussi. On dirait que j'ai détroussé la maison sa maison, mais ce n'est pas le cas ! 


Comment ça se fait, qu'est-ce que ça dit de toi ? 

 

J'aime me souvenir des choses. Je me souviens quand j'étais gamine j'avais un bouquin de souvenirs j'y mettais plein de choses, je scotchais des places de concert et je racontais comment ça s'était passé. Je tiens beaucoup à certains objets parce qu'ils me rappellent un moment de liesse. Il m'arrive parfois de relire mes journaux intimes de quand j'étais bien plus jeune ou quand j'étais ado. Ça m'apprend plein de choses sur moi et souvent je me trouve dure avec moi-même.. Ça montre aussi comment toi t'évolues en tant que personne. Et puis quand je vis un truc super ou quand je vois quelque chose de très beau, je ne vais pas te dire "ah c'est beau" et passer à autre chose - il est possible que je te le dise trente fois. Je pense très naturellement à des falaises que j'ai vues sur une île en Irlande, qui est depuis devenu mon endroit favori au monde, et bien je vais te dire cent fois que c'est beau. "C'est trop beau", "c'est trop bien", "je suis trop heureuse", "ah punaise, qu'est-ce que c'est beau", "qu'est-ce qu'on a de la chance". (rires)


Il y a souvent ce côté où on est un peu déçu la deuxième fois, pour tout un tas de raison, la lumière n’était pas la même ou... le mood n’était pas le même ?

 

Je pense que le magnétisme reste un peu. J'y étais en voyage pour le magazine, je crois le numéro 3 de Mint, et c'est un moment que j'ai partagé avec Noémie, qui est donc mon associée et ma copilote de toujours sur le magazine. J'ai donc partagé ce moment avec une de mes meilleures amies. Mais tu vois peut-être qu'un jour je voudrais partager ça avec un amour, ou une autre amie, ou peut-être même seule en fait. Peut-être que ça me ferait du bien d'y retourner seule.

 

Tu me disais que tu n'étais pas trop maquillage, tu es plutôt fille au naturel ?

 

C'est vrai que ce n’est pas mon truc du coup, je suis fascinée par les filles qui arrivent à se faire des trucs super beaux. En revanche, j'ai un problème de symétrie mais je mets du rouge à lèvres. En revanche, j'aime beaucoup le self care. J'aime bien prendre soin de moi. C'est-à-dire me faire des petits bains.


Pourrais-tu nous décrire ton style vestimentaire ?


Ce jean 501 c'est Starcow qui me l'a offert. Mais disons que la marque que j'affectionne le plus c'est Courrèges. Je crois que je m'habille tous les jours de la même manière en vérité. En fait, j’aime bien ce qui ressemble un peu à des déguisements.

 

Quel est ton uniforme ?


Normalement je porte des jupes tout le temps. Par exemple, je dois porter cette jupe en jean sept jours sur sept. J'ai aussi des vêtements que je n’aime pas particulièrement mais juste ils me rattachent à une période. Ce sont des doudous en fait.


Le monde extérieur.

 

J’ai envie qu’on parle de ton monde extérieur pour comprendre ton amour de la cuisine.

 

J’aime beaucoup manger comme 80% des gens. Ma mère a toujours beaucoup cuisiner. Elle cuisine toujours, elle est super forte. Elle n’arrête pas. J’ai un groupe WhatsApp où elle me montre les recettes qu’elle fait par exemple elle m’envoie : « J’ai fait une épaule de porc ». Elle cuisine beaucoup pour mon grand-père qui est en maison de repos et du coup elle me montre. Elle est très nourricière ma mère. Pour montrer qu’elle aime, elle fait à manger et j'ai remarqué que c’est un ressort que j’ai récupéré.  

  

Qu’est ce qui t’as amenée au journalisme ? 

 

D’abord, j’ai commencé par une Fac de Lettres après le Bac de Lettres modernes. Je n’ai pas aimé du tout. Je n’ai fait que sécher les cours. En plus, j’étais hyper flippée si j’arrivais deux minutes et que les portes de la salle étaient fermées, je n’entrais pas parce que je ne voulais pas qu’on me remarque. Quand j’étais gamine j’étais extrêmement timide. Pour les gens qui me connaissent aujourd’hui, ils ont l’impression de ne pas connaitre cette personne-là. Mais je pense que c’est vraiment le journalisme qui m’a fait switcher. Ce qui est génial avec le journalisme c’est que ça te donne tous les prétextes du monde pour aborder les gens. A force d’endosser ce rôle-là, je pense que je suis de plus en plus à l’aise et j’arrive à aborder les gens même sans avoir un programme derrière. Mint ça parle beaucoup de food, mais ça parle aussi de voyages, et j'ai rencontré des gens géniaux, très intéressants, auxquels tu n'as pas forcément accès selon ce que tu fais dans la vie. Je me souviens que j'ai rencontré deux pépés, qui fabriquaient des couteaux avec des vieux morceaux de remontées mécaniques qu’ils trouvaient. On a été conviés chez l’un d’entre eux, il nous a fait un café, mis un pot de miel sur la table et on a discuté. Tous ces moments-là, sont magiques. C’est la chose que j’ai le plus peur de perdre parce qu’on a vraiment fait Mint pour ça. Ce n'était pas forcément mon ambition de gagner ma vie avec Mint, Mint c’était mon hobby. En parallèle je travaillais beaucoup, je faisais de la cuisine dans un restaurant qui s’appelle Garde-Robe et j’étais aussi au vestiaire du Carmen qui est un club à Pigalle. Mais quand Mint a commencé à prendre plus de place c’était évident qu’il fallait que j’arrête les jobs alimentaires, et j'ai commencé à avoir l'espoir de pouvoir gagner des sous avec. Le magazine a été créé en 2013 et j’ai commencé à en vivre en 2019.


Et explique-nous tout ce cheminement jusqu'à Mint. Pourquoi faire ce magazine ?


A l’origine nous sommes deux, Noémie et Moi. Noémie Cédille qui est D.A est aussi l’une de mes meilleures amies. On se connait depuis que l’on a quinze ans. Et en fait on avait une relation épistolaire au départ. On s'est rencontrées par Skyblog interposés. On s'envoyait des mails et on a mis beaucoup de temps à se voir alors qu'on habitait la même région. Quand je suis partie vivre au Japon, je continuais à lui envoyer des colis avec plein de bêtises, avec des Pokkies, des Mikados goût matcha, des trucs qui sont assez infâmes quand on y repense !


Mais qu’on aime !

 

Mais qu'on aime quand même. Puis on a commencé à se voir davantage plus tard et on a toujours eu envie de bosser ensemble mais on ne savait pas exactement ce qu'on voulait faire. Et Mint est arrivé quand elle habitait à Paris. J'y pensais beaucoup à faire un magazine parce que j’écrivais déjà des piges pour d'autres médias et j'avais plein d'idées et en fait je n'arrivais pas à tout passer dans les magazines. Et je me disais mais en même temps, les idées elles sont bonnes et les sujets ils sont bien donc c’est un peu dommage. Et je bossais gratuitement. Et il y avait de plus en plus de magazines indépendants qui sortaient, et je me suis dit pourquoi pas moi ? Mais j’avais aussi besoin du regard de Noémie car je me disais qu’enfin j’avais trouvé le truc qui va réunir les deux choses qu'on sait faire toutes les deux. Et je l'ai appelée et ça devait être un dimanche de Pâques je crois. On a mis plein de magazines au sol et on s’est dit bon voilà ce qu’on aime, voilà ce qu’on n’aime pas, qu’est-ce qu’on veut mettre dedans. Ça a beaucoup évolué depuis.

 

Qu'en est-il de ton restaurant ? C’est après que c’est arrivé ? 

 

En fait Mint était là en premier. Je suis dans des bureaux avec Anaïs et Nicolas de Paris se quema qui sont nos set designers depuis le numéro1 et qui sont aussi des amis extrêmement fidèles. Chez Mint, les gens avec qui je travaille depuis le numéro 1, ils sont encore là. Et il y a un ami d'Anaïs qui dit : « j’ai chopé un appel d’offre de la Mairie de Paris. Ils vont fermer les voies sur berges et il y a des lieux à prendre, donc je pourrais faire un resto mais je n’ai pas d'idées. » Et Anaïs me dit : « mais tu ne veux pas l'aider » et clairement moi des idées j’en avais plein ! Donc j’ai pensé à un concept en cinq minutes chrono que je lui ai proposé, parce que vu que moi je baigne dedans, je connais à la fois bien les restos qui se font, les choses qui marchent, chez qui on se fournit etc… On fait une présentation rapidement, et il m’a rappelée en me disant « notre projet est retenu, on est dans le premier la Mairie veut nous voir en entretien » Je n'y croyais pas ! Et on passe l’entretien et j’y vais mais en touriste absolue. Je n’y crois pas en fait, alors que mon associé lui est en costard (rires). Et on passe l’entretien et comme je n'y crois pas, je suis un peu offensive. Le monsieur de la Mairie de Paris me dit « mais du coup, c’est quoi les produits ? Il y a du commerce équitable ? » Et je lui dis « non il n’y aura pas de commerce équitable car ça ne sert à rien le commerce équitable, on va avoir du local, on n’a pas envie d'avoir des produits qui viennent de l’autre bout du monde. » et au final il a complètement été charmé par cette attitude de gamine. Mais c’était un gros pari de partir avec des gens qui n'avait jamais fait ça. Moi j’avais travaillé dans la restauration mais c’était des jobs étudiants. Donc il fallait que je trouve des manageurs et bons. C’est 150m2 de terrasses sur les quais de Seine avec un ensoleillement continu en bas, au pied de la Samaritaine, c’est un ancien squat. On a réussi à trouver une chef qui est extraordinaire, qui s'appelle Adriana Seghetta. Pour moi, il y a la cuisine de ma mère en numéro 1 et celle d'Adriana en numéro 2. Et elle, elle bossait aux Deux Amis avant, super bar-resto du côté d’Oberkampf. Elle est d’origine Argentine mais elle a travaillé en Italie. On ouvre le resto, ça se passe super bien mais moi je n'ai jamais fait ça. Je pense que j'aurais été capable de le faire pour trente couverts mais là, c’est hyper raide. C'est ouvert tous les jours. J'y suis de 9h du matin à 1h. Le rythme est difficile et là je retrouve ce truc de timidité absolue où je me dis, il ne faut surtout pas qu'on me parle. Je n'ose pas aller voir les clients. C’est quand même délirant. Et puis la restauration ce sont des galères quotidiennes. J'ai fait ça un peu plus d'un an. Et un puis un jour Quentin Guérillo qui était chez Snatch magazine est venu me voir au resto et il m’a dit qu’il était en train de monter un groupe de presse et il voulait intégrer Mint. Nos discussions ont duré un an pour qu’on se mette d’accord. Et j’ai signé en 2019. Donc maintenant Mint évolue au sein d'un groupe. On a un service commercial un service marketing, un service communication et après il y a évidemment la partie édito, et moi je travaille avec beaucoup de gens en externe. Forcément des photographes, des illustratrices, illustrateurs et des journalistes et voilà. Voilà à quoi ressemble Mint aujourd'hui. C'est quand même un magazine qui a plus d'épaule et qui a son âge, il va avoir dix ans l'année prochaine.

 

Et alors on parle de quoi dans Mint ? Quelles sont les valeurs ou en tout cas la vision ?

 

La baseline c'est "eat & explore" depuis le début. Ce sont des sujets qui tournent autour de la food, mais aussi de voyages au sens large. Après avoir signé chez Bon Esprit, je me suis rendue compte que je tournais un peu en rond avec mes sujets. Et que j’avais besoin d'un reboot, donc je me suis lancée dans une formation avec Loïc Richiequi est un journaliste et un auteur brillant. Ça m’est peu arrivé qu'on me dise que mes articles étaient un peu en-dessous. Moi j’aime bien la critique, mais souvent les gens ont peur de te froisser car c'est tellement personnel l'écriture. Mais Loïc, il a pris un stylo rouge et il a commencé à barrer des choses dans le magazine, « ça non c'est nul, ça pardon mais c'est quoi ce truc ? » et il continuait comme ça. On a ensuite fait le tour des magazines, et après on s’est demandé « qu’est-ce qu’on fait maintenant et où est-ce qu’on va ? ». On a essayé de regarder les lacunes du magazine et il manquait quelque chose qui n’était pas trop traité dans les magazines qui montraient l'univers de la food. C’était tout le pendant sociétal de la bouffe. Par exemple, j’ai fait une enquête sur les plongeurs dans les cuisines, d’où ils viennent à quoi ressemble ce métier et j’ai adoré faire ça. Je me souviens qu’à l’époque j'y pensais déjà depuis deux ans - mais parfois le truc fermente pendant longtemps avant de sortir. Et j’avais dit à mes associés : « j’ai trop envie de traiter ce sujet, je vais le proposer à Society » car pour moi c'était un papier très important. Je voulais qu’il ait la lumière qu’il méritait et pour moi Mint était encore un magazine niche, incomparable à la force de frappe de Society. Et puis ils m’ont convaincue de le publier dans Mint et l’article a quand même eu le retentissement que j'espérais. Ça m’a mis le pied à l’étrier du sujet sociétal et de l’enquête. Donc, j’essaye d’en distiller dans le magazine, ça lui donne tellement plus de force et de relief et ça nous permet de traiter des sujets qu’on ne traitait pas avant. Dans le prochain numéro on fait un sujet sur la cuisine ouïgoure et pareil c'est un sujet que j'ai en tête depuis plus d'un an. Je me rendais compte qu'on parlait beaucoup des Ouïgours sous un prisme mode fast-fashion, et finalement assez déshumanisant aussi car on ne sait pas d'où ils viennent. Et s’il y a un truc qui réunit toujours les gens, c'est la cuisine. Cela permet de parler de tradition, de culture… Donc, je me suis lancée sur ce sujet. C’est le type de sujet qu'on n'avait pas avant et qui maintenant viennent donner du corps au magazine.

 

Et qu'est ce qui fait qu'un magazine est abouti et que tu es hyper fière de le sortir ?

 

Mint c'est un gros magazine. Tu ne peux pas le dévorer d’un coup ou alors c’est que tu es très gourmand. En fait, ce que j'aime bien c’est la diversité des formats : on a de la bande dessinée faite par Théo, qui est hyper, des belles images, c'est vrai que là on parle beaucoup d’édito parce que c’est moi qui réponds à tes questions mais Noémie c’est une excellente graphiste, je trouve qu’elle est très forte et elle arrive à mettre tout ça, à sublimer l’ensemble. Il faut que ce soit un équilibre, avec un peu de légèreté et un peu d'humour et des sujets de poids, il faut des recettes, il faut penser aux gens qui vont avoir ce truc entre les mains. Souvent dans certains magazines, il y a un côté bel objet, mais moi j’ai envie que ce soit utile pour la lectrice ou le lecteur. Voilà, je pense que ce qui fait un bon magazine c'est ça aussi, c'est de penser d'abord aux personnes qui vont le lire.

 

Qu'est-ce qui fait que vous parlez d'un sujet ? Qu'est-ce qui fait que vous parlez d'un endroit, d'un lieu, d'un restaurant, c'est quoi le point commun de tous ces endroits ? 

 

Il n’y a pas tant de points communs, ce sont des endroits qui nous touchent, on peut aussi bien traiter d'un bouiboui que de Mauro Colagreco. C'est une capacité à faire des grands écarts et je pense que c'est ce qui fait la richesse du magazine. Il y a de la surprise. Si j'écris un papier sur les Ouïgours, j’ai envie qu'il soit accessible. Ce magazine n’est pas juste fait pour nous, bobos du 10ème arrondissement parisien. Il faut que tout le monde puisse s’y retrouver. C'est un magazine qui est fait pour durer.

 

Es-tu heureuse de vivre dans notre époque ?

 

Oui je pense ! Je suis bien dans notre époque. Je suis plutôt bien dans mes baskets en ce moment. Tu m'aurais posé la question il y a six mois j'aurais dit autre chose. Mais je suis contente de ne pas avoir eu Instagram au collège et au lycée.


Dernière question que j'aime poser, c'est qui souhaiterais-tu entendre dans ce podcast ? 

 

Je pense forcément à Noémie qui est mon associée sur Mint, mais qui est d’une extrême timidité et je pense à Paris se quema, ils sont tellement talentueux, c’est des sets designer et c’est un métier qui n’est pas si connu en fait. Je pense àJili Salati. Elle, elle est drôle et brillante !

Références :


Le compte Instagram de Déborah Pham : https://www.instagram.com/debbie_mint/?hl=fr

Mint Magazine : https://www.instagram.com/mint_magazine/?hl=fr

Noémie Cedille : http://noemiecedille.fr/

Maison Maison : https://www.instagram.com/maisonmaisonparis/?hl=fr

La Trésorerie : https://www.instagram.com/latresorerie/

Starcow : https://www.instagram.com/starcowparis/?hl=fr

L'Agence Soif :https://www.instagram.com/agencesoif/

Judith Lasry : https://www.instagram.com/judith.lasry/

Paris se quema : https://www.instagram.com/paris_se_quema/

La boulangerie Petit Grain : https://www.instagram.com/lepetitgrainparis/?hl=fr

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