Isis-Colombe Combréas du Milk - Le Monde de Réuni - Retranscription intégrale
Voici la retranscription intégrale de l'interview de Isis-Colombe Combréas du Milk - Le Monde de Réuni.Retrouvé l'interview en format audio sur toutes les plateformes de podcast et les extrait en image ici .
Réuni (R) : Aujourd’hui dans cette première interview du Monde de Réuni, je suis ravi d’accueillir Isis Colombe Combréas, que j’admire beaucoup. Je souhaite avant tout remercier Margaux Steinmiller de nous avoir mis en relation.
Isis, pourrais-tu te présenter ?
Isis-Colombes (I) : Je m’appelle Isis Colombe Coréas, j’ai 52 ans. J’habite à Paris, je suis l’éditeur du magazine Milk et Milk Décoration et j’ai une petite agence Fauvéa Design et ma dernière fierté une galerie digitale d’affiches d’art.
R : J’ai envie de revenir sur ton parcours depuis ta toute tendre enfance jusqu’à aujourd’hui et j’ai surtout envie de comprendre ce qui t’a modelé, comment tu as façonné ton goût et comment tu t’es construite ?
I : Je suis née en 1969 à Marseille. Quand s’est inscrit sur un acte de naissance, on se dit ‘tient elle est Marseillaise’ mais je ne me sens pas du tout Marseillaise. Une grande partie de ma famille est marseillaise mais moi je ne me sens pas marseillaise parce que je suis née et j’y suis repartie très vite pour aller à Ibiza dans les Baléares en Espagne. Mes parents ont été des hippies, ils étaient à Ibiza depuis 1966. Quand ma mère a accouché elle a décidé de revenir voir sa famille à Marseille. Mes parents avaient pour projet de partir à pied à Goa en Inde et ils m’ont laissé à ma grand-mère. C’est un événement très important de savoir que quand t’arrives au monde tes parents te laissent immédiatement faire un voyage de 9 mois. Ils y sont allés pour fêter Noël 1969, en passant par le Liban, l’Afghanistan, le KAiber///. Un des plus beaux pays du monde dans les années 60. C’était un pays très inspirant d’un point de vue esthétique, vestimentairement parlant, quand ma mère m’en parlait, ça me faisait rêver. En arrivant à l’âge adulte je n’ai pas pu y aller dû à l’actualité que l’on connait actuellement. Mais j’ai toujours ce rêve d’aller en Afghanistan un jour. Puis mes parents viennent me récupérer, mon père est complètement chauve avec un Sari orange puisqu’il était devenu akrichina ? (4:00). On était dans un quartier très populaire à Marseille. Puis ils m’ont emmené à Ibiza où je suis restée entre Ibiza et Formentera, les deux îles des Baléares jusqu’à l’âge de 6 ans pour ensuite m’emmener à Paris à l’âge de 6 ans afin de me scolariser.
R : Est-ce qu’en 6 ans on a le temps de s’imprégner des Baléares ?
I : Oui et non. J’ai des souvenirs transmis par les adultes ou des photos, j’ai toujours eu tout un folklore autour de moi et de cette petite enfance, mais ce sont des flashs. J’ai des souvenirs plus précis de mon arrivée à Paris dans le 5e arrondissement.
R : Quels flashs retiens-tu d’Ibiza
I: vivre dans une communauté avec plein de gens différents, vivre dans des finka, des fermes espagnoles en location dans les années 60/70, qui était une île non pas de l fête à l’époque mais plutôt des hippies de la dogue, la méditation.. Le monte sol, l’hotel historique dans la vieille ville, des photos à Formentera, à la Fonda Pepe. Un bar mythique qui a accueilli Bob Dylan. Ibiza à la fin des années 60, c’est très fort. Le marché historique des Scanar, qui est un marché de hippies où les gens arrivaient des balots Indes et des vêtements du Maroc pour les vendre.. c’est une énorme mythologie dont je fais partie parce que des gens plus âgés que je suis commencent à partir me racontent que j’étais là dans tout ça. J’ai aussi rencontré Eva Ionesco, Irina Ionesco, Graham Gitt qui sont aujourd’hui des artistes et qui étaient là enfants. Ce sont des flashs.
R : Et donc tu arrives à Paris par la suite…
I : J’arrive assez sauvage dans un quartier où les gens avaient leurs habitudes. J’habitais dans un hotel Rue Saint Benoit à côté du café de Flore puis mes parents ont trouvé un appartement et une école avec une bonne bande d’amis. Mon père était peintre et ma mère ne travaillait pas.
Le 5e est devenu mon quartier préféré de Paris, je n’y habite pas malheureusement mais j’y suis très proche. Il ya le jardin des plantes la faculté de Jussieu qui m’a toujours fait rêvé quand j’étais petite je faisais du skate board là bas. Puis j’y ai fait mes études, j’avais un attachement pour cette fac autant pour son architecture moderniste - beaucoup l’a trouve laide et moi je l’ai toujours trouvé fort belle, ça dit beaucoup du goût, c’est le quartier de Notre-Dame soit un des plus beaux bâtiments, les ruelles de la contre escarpe, du Panthéon.. dans ce 5e se pose cette faculté de Jussieu qui est de métal, de verre (années ?) Je le trouve très beau.
R : Quel parcours suis-tu à Jussieu ?
I : c’est une faculté dédiée aux Sciences, et j’y ai fait des Lettres Modernes et du cinéma. La Sorbonne avait des professeurs brillants qui ont décidé de faire cission pour enseigner différemment à des jeunes et ils ont lancé un département littéraire à Jussieu qui s’appelle Sciences des textes et documents. Ils ont voulu avoir une approche très différente des textes : j’ai fait de la littérature contemporaine, du cinéma contemporain, le XXe siècle et surtout des professeurs qui vont poser une grille analytique très différente de la Sorbonne, on étudiait avec livres Folio alors que mes camarades de la Sorbonne avait presque des livres de la Pléaide. 20 ans à Jussieu, le contexte est militant…
R : Donc ça t’as bien façonné ! Tu te projettes comment à cette âge là ?
I : J’ai 20 ans et je vais là où c’est sympa, je suis restée un mois en prépa à HEC, ça m’a pas plu, je suis arrivée à Jussieu. Je quitte la prépa, du 17e, à cette époque je suis avec mon mari (avec qui je suis aujourd’hui depuis 35 ans) Je dis à une personne côté de moi en prépa : viens on va déjeuner au restaurant chinois à côté, la fille me répond qu’elle n’a jamais mangé chinois. J’ai fait mon sac et je suis partie, en arrivant à Jussieu j’étais beaucoup mieux. J’ai adoré ces années de lettre et cinéma avec un professeur qui faisait partie de la.nouvelle vague Jean Doucher et des étudiants qui me ressemblaient plus. Je voulais m’amuser, échanger, j’étais boursière.
R : D’un point de vue esthétique, ça ressemblait à quoi ces années ?
I : J’avais un look très typé à l’époque, j’adorais les années 50, les paraboot, les jeans, les flight jacket en cuir, je vais au concert de Crazy Cavan, des groupes américain rock’n’roll, des Berruriers Noirs, je suis la scène rock alternative, Manu Ciao, les hot Pants, je connais hyper bien la scène indépendante musicale rock, je participe au premier Dying D’act up, quasiment seule femme sur le boulevard de Sébastopol allongée. Il n’y avait pas internet, pas de téléphone, j’avais l’impression que toute fille de vingt ans vivait la même vie que moi. J’étais persuadée que tout que tout le monde vivait comme ça. J’en ai un souvenir magique, j’essaie de travailler dans le cinéma. Je suis l’assistante d’un professeur formidable qui a créé un festival de cinéma québécois à Blois, donc je fais grâce à lui des allé-retours entre Montréal et Blois pour l’aider mais. Il n’en finit pas et jamais payé donc je vais voir une autre professeur en lui disant que je voulais gagner ma vie.
Elle me demande si je connaissais TF1, AB production, Hélène et les garçons, ce qui n’était pas le cas mais derrière il y avait des offres d’emploi. À l’époque il fallait avoir du réseau pour rentrer dans le cinéma. Donc j’arrive dans ce milieu et je décroche un stage pour une nouvelle émission sur Monte Carlo TMC la chaîne monégasque. Le sud, je connais, j’ai une grand-mère à Nice et une autre à Marseille donc je commence tout de suite et il s’avère que ce stage se transforme rapidement en boulot.
Je travaille à la plaine Saint-Denis, je prends le RER, j’arrive dans des énormes bâtiments avec Claude Berda, Jean-Luc Azoulay les rois de la télé de TF1. À l’époque on parle beaucoup de télévision. Je me fais des copines qui sont de chez Canal et au Festival de Cannes. Je suis chez AB mais j’ai une belle bande.
R : Qu’est-ce que tu faisais comme job à ce moment là ?
I : Au début je suis un peu polyvalente, puis je suis devenue assistante de production, je commence une petite chronique dans une émission pour enfant que je produisais. Puis j’ai fini animatrice vedette et productrice. J’ai même piqué le gros contrat TMC à Claude BErda, qui est mon petit fait de gloire auprès de cet homme retraité suisse et qui dis toujours en rigolant que sa stagiaire a piqué son business. J’avais même pas 30 ans et j’ai signé l’émission moi-même.
R : Qu’est-ce qui te passionne dans cet univers ?
I : C’est agréable parce que ça va vite et j’ai gardé ce fonctionnement de ne pas tergiverser de prendre des décisions rapidement. C’était très pyramidale dans les années 90 : il y a le producteur, les animateurs et le reste se tait et avance. Ça donne un rythme à ta vie.
Très vite je me rends compte que je n’ai pas la bosse comme mes collègues journalistes. Je suis plutôt intéressée par la gestion de l’émission, d’en faire le décor d’en faire des deal avec le Club Med pour qu’ils nous accueillent.. Donc ce qui touche à l’entreprise. En fait, l’entrepreneur est arrivé chez moi très tôt, je voulais signer des contrats à 25 ans, négocier, créer des ponts avec des marques… J’avais ce goût-là que l’enquête pure comme les grands reporters. Je suis plus globale dans mon approche donc je suis devenue productrice télé.
R : De quoi ça vient cet caractère ?
I: De l’enfance et de mes soucis plus jeune où je devais me gérer seule. La gestion, c’est aussi gérer l’argent, l’esthétique et l’humain. J’aime bien cet petit écosystème : gérer le tout.
R : Donc tu es productrice télé
I : Je signe chez Monte-Carlo TMC une émission pour enfant quotidienne puis une autre émission sur France 2. Je n’avais pas d’intérêt particulier pour ce type d’émission mais il fallait que je le fasse. Le fait de faire une émission pour enfant va me donner une sensibilité qui raconte la raison de Milk. Je suis très à l’aise avec les enfants, je suis petite de taille, j’ai un très bon contact avec eux. Je suis comme une grande enfant. Leur compagnie m’est très agréable.
Puis j’ai une émission sur l’avance culturel qui s’appelle Pink qui va faire un pavé dans la marre à France 2, je fais cette émission grâce à mon mari et directeur artistique du magazine jalouse à ce moment et je commence à voir la contre-culture qu’ils mettent en place. Je propose à F
R : As-tu retrouvé cette énergie de cette époque ? j’ai l’impression que c’était très libre
I : C’était très libre, avec un opportunisme bienveillant, on allait vite. Je crois que les réseaux sociaux sont formidables et en même temps c’est compliqué parce que tu te mesures toujours dans cette échelle de la beauté, du cool, de l’intelligence… Je n’avais même pas idée que des gens avaient fait Sciences Po ou l’ENA, j’avais l’impression d’être intelligente parce qu’il y avait plein de choses à raconter au monde. Maintenant avec la presse et les médias on sait tout.
R : Qu’est-ce qui a fait le succès de cette émission, et c’était quoi l’esthétique des années 90 ?
I : Je m’écarte des années 90 parce qu’esthétiquement c’était assez terrible et surtout je me rends compte que ce qui cartonne, c’est la télé-réalité. Fin des années 90, j’ai des amis qui cartonnent avec l’émission le Loft et là je me dis j’arrête. Moi j’aime les tissus indien, les paniers marocains, je n’aime pas ce qu’il se raconte. Je pars du monde de la télé. Grâce à des amis qui sont dans la presse écrite. J’ai oublié de dire que vers mes 20 ans j’ai fait stage au magazine Femmes où j’ai rencontré Jenny Koudji une grande styliste de mode rédactrice en chef du i-D et The Face, qui est aussi l’amoureuse de Jean-Paul Goude à l’époque et je vois qu’il y a une contre-culture assez intéressante.
J’ai mon premier fils en 1998 et je me pose. Les années 2000 arrivent, je lance le magazine Milk en 2003.
R : C’est quoi la genèse et l’esthétique ?
I : Dans la mode, les années 90 sont cool, c’était Jil Sander, Balenciaga, Ann Demelemeester… Il y a un très beau courant mais la réalité du grand public c’est les Spice Girls, donc il y a deux niveaux. J’ai beaucoup appris chez France 2, j’avais une émission sur Paris Première qui s’appelait Des Habits et moi, jeu de mot pourri que la chaîne m’a imposée, l’émission tournait autour d’une fille qui avait du style et sur l’écran venait plein d’informations sur ses vêtements, c’était assez moderne et ensuite l’émission a été remplacé par Alexandra Golovanoff. Jalou, le groupe de presse indépendant démarre. Mon mari commence à me raconter comment un magazine se fait, les éditions et surtout, il apporte quelque chose de fou à cette édition : il amène la publication assistée par ordinateur (la PAO). À l’époque, les magazines se faisaient au cutter et à la bombe de colle. Venant d’une agence de pub, mon mari propose la maquette assistée par ordinateur, ils forment toutes ses équipes. Je comprends grâce à lui, qui est très geek et graphiste qu’on peut faire des magazines différemment. Je comprends qu’on peut faire un magazine avec une équipe de 3 / 4 personnes.
R : À quoi ressemble le monde de la presse ?
I: Il y a le Vogue et le magazine Glamour qui fait rêver tout le monde, avec notamment Emmanuelle Alt, Carine Roitfeld, Thomas Lenthal… De l’autre côté, il y a The Face i-D à Londres qui font bouger les choses. Mon mari arrive donc dans le groupe de presse Jalou, il fait bouger les lignes et il me donne souvent le soir des débriefing de Laurent Jalou, le patron de ce groupe, comment il manage ses équipes, la pub…on est au démarrage de Prada, Marni, LVMH. Quand je quitte Monte Carlo Tmc, j’ai un départ un peu fracassant. L’émission Pink s’arrête. Avec les quelques sous qu’il me reste. Solution un je fais un pilote, on m’a toujours dit que j’étais segmentante, que j’avais pas un physique fait pour ça, j’étais trop excentrique, originale. Toujours en train de me dire des choses sur ma prestation à l’antenne. Et comme un moment donné il faut fédérer.
R : Tu n’avais pas envie de plaire à tout le monde ?
I : Non, ça c’est le gros déclic. Je fais une montée des marches à Cannes, des gens m’interpellent car je suis dans le paysage audiovisuel depuis un moment. Et là je me dis que je n’ai aucun goût pour ça. J’aime tout organiser mais je n’aime pas l’idée que l’on me reconnaisse. Pour l’ego cça m’a fait un bien fou, aujourd’hui je ne me mets pas en scène sur mon instagram ni dans mon journal. J’ai un rapport très dosé à cela car j’ai passé dix ans devant caméra.
R : Tu n’aimes pas être filmée ?
I : C’est pas mon truc. J’ai une conscience très précise de la photographie qui s’est développée, je sais exactement qu’est-ce qui passe bien à l’écran, ce qui est photogénique et je ne fais pas partie de ces gens-là. Je dégage de l’énergie dans la réalité mais je ne trouve pas que je sois télégénique. Il ne faut pas insister, il faut avoir la lucidité, et je l’ai. La question s’est posée à la fin de cette carrière : est-ce que je fais un pilote ou est-ce que je mets l’argent autre pars. Karel Balas mon mari me dis qu’il en peut plus de travailler dans la presse. Il part pour d’autres groupes de presse : DS, Prisma..ils papillonnent de magazine en magazine, et rien ne lui plait. Je me dis qu’il est peut-être temps de faire quelque chose. On regarde le paysage de la presse mode design automobile, déco.. et on voit ce qu’il manque. Je n’achetais pas de presse déco, j’avais un goût esthétique pour les lieux pour plein de raisons. Mon père était peintre, j’ai eu de la chance de rencontrer des gens qui avaient des appartements étonnants, je les avais mis dans ma data visuel mais pas au point de me dire : je vais décorer mon appartement.
R : C’était quoi les références de magazine sur ce sujet là ?
I : Il y avait le Elle déco et le Glamour parlait plus de mode que de lifestyle. J’achetais le glamour, le elle, le jalouse. Je n’étais pas sur la presse déco.
R : Et donc toi à l’époque tu penses qu’il y a un truc à faire là-dedans ?
I : Je ne me dis pas ça. On est des parents contemporains, je suis maman j’habite Ledru-Rollin à Paris, je pense qu’il y a une tribu branchée qui ont des parents et qui n’ont pas envie d’acheter enfant ou parent magazine. Mon fils avait 4 ans, je voyageais beaucoup, j’aime lui ramener des vêtements du bout du monde, j’ai envie d’être plus aspirationnel. C’est là où j’ai eu l’idée de monter le magazine Milk.
R : Comment on s’y prend pour construire une ligne éditoriale ?
I : Quand j’avais créé l’émission Pink sur France 2, le nom ne passait pas en anglais. On trouve un acronyme qu’on dépose à l’INPI : Programme d’Information Non Konformiste. Je me dis qu’il faut que je reste dans ce genre de sonorité comme clin d’oeil. Je me mets autour de la table avec une petite bande, quelques jeunes, moi j’ai 30 ans à ce moment. Un stagiaire propose le nom « Milk » et je valide dans l’immédiat. Ce nom m’amusait car il n’évoquait pas la mode enfantine. Le projet de Milk s’est transformé très vite sous la pression du marché. Nous on voulait faire un magazine parental inspirant. On s’est rendu compte que toutes les marques de luxe lançaient leur licence et que ces licences avaient besoin d’un support : Chloé enfant, Burberry, Ralph Lauren, Dior, Bonpoint, Jacques à dit.. Toutes ces marques étaient là et n’avaient pas de magazine donc très vite le magazine s’est transformé en magazine de mode enfantine. Mais au départ c’était du lifestyle parental et comme le marché était là il fallait le saisir. Je ne voulais pas de nom du style XXS, petit modèle… qu’il soit apparenté à du vêtement enfant.
R : Finalement c’est opportuniste, tu voulais parlais des intérieurs et tu parles des enfants…
I : Voilà ! Grande facilité parce que mon passé revient. Quand je lance Milk Jj fais des photos toutes les semaines avec des enfants accompagnée d’une belle équipe de 5 personnes. Toutes ces photos ressemblent à ce que je faisais en télé : on est avec des de très jeunes enfants qu’il faut cadrer, le moment doit être récréatif, la DAS encadre le tout avec des autorisations. On est bienveillant et on fait quelque chose qui aujourd’hui n’est plus fait : en 2003 on demande aux enfants de regarder l’objectif, on veut qu’il soit le centre de l’image, le centre du sujet et qui affrontent l’objectif et le lecteur avec le parti pris suivant : je suis tout aussi important en mode que les autres. On n’est pas dans du photo reportage. On commence à poser cette iconographie et on s’éloigne du restaurant, voyage de famille, mais on garde cette envie de montrer ces nouveaux parents : les bobos qui viennent d’être qualifier par un sociologue.
R : Cette esthétique, comment vous la créé ? Les premiers moodboard
I : On est bercé par la presse anglaise, on suit l’imagerie du Vogue avec Carine Roitfled et les photographes Inez et Vinoodh, Testino… La photographie de mode est à son apogée, les marques de luxe font des campagnes incroyables et très fortes visuellement. Donc on est porté par un courant esthétique photographique. Et tous on devient des fous de photo, on va à Paris Photo, on achète des photos.. On fait des salons pour enfant à Anvers et à Florence. On a ces deux destinations deux fois par an. On se régale à suivre la mode enfantine, il y a un même à l’époque un salon à New York. On commence à voyager autour de la mode enfant et les gens que l’on rencontre sont formidables. De chez Dries Van Noten qui lancent des gammes de mode enfant, Finger in the Nose.. et on fait partie de toute cette bande avec des jeunes photographes que Karel nous présente de chez Jalouse. On travaille avec Kate Berry la soeur de Charlotte Gainsbourg. On travaille avec gens très inspirants. Nous on cherche des photographes, on utilise le réseau de Karel et très vite on a des gens qui nous soutiennent pour nous aider à financer l’aventure. Grâce à la pub, on se met à être l’agence du Bon Marché et de Petit Bateau. Ces deux marques vont beaucoup nous aider parce qu’elle vont nous commander des images et on va travailler avec Séverine Merle et Marie Tantet. Elles m’aident à m’organiser pour faire de la publicité, à faire des catalogues jusqu’au campagnes métro.
Fin des années 2000 je fais l’affichage Mode Femme Homme du Bon Marché en ayant Milk magazine, un truc de dingue. Tout le monde est ahuri : pourquoi une fille de magazine de mode enfant fait ça ? Une grande liberté.
R : Comment tu l’expliques ?
I : ce sont des rencontres, j’ai le même âge que Marie Tantet, avec Séverine Merle, elles font confiance à l’équipe du Milk, c’est un magazine novateur on savait imprimer; Et surtout tout va se jouer avec la photo numérique. Quand mon mari intègre la PAO, il comprend début 2000 qu’on va arrêter la photographie argentique, on est parmi les premiers à faire ça. On s’engouffre dans le numérique parce que c’était moins cher, plus rapide et on pouvait être plus indépendant. Ça change avec du bon comme du mauvais, on sait tous qu’un client regarde le retour écran d’un photographe. On sait tous ce qu’il se passe, en 2021, retour à l’argentique, retour au grain à la lumière plus travaillée… On a des photographes pour Milk et Milk Déco qui travaillent à l’argentique. Tout change, ce sont des cycles, en tout cas le cycle de la photo numérique dans les années 2000 m’aide à devenir un éditeur indépendant.
R : Cette esthétique du Milk comment elle a évolué
I : Mode enfantine, agence, très vite je fais de la mode femme et homme, Marie-Pierre Lannelongue quitte le Elle part à l’Obs, (elle est la rédactrice en chef de M le Monde aujourd’hui) elle faisait les suppléments mode femme et homme, son équipe ne comprenait rien et elle ne pouvait pas faire ça seule donc je la rejoins pendant 2 ans. Je n’avais pas lâché l’histoire des bobos, je voulais les photographier chez eux. Et moi j’ai toujours été très attentive, je me rends compte que les bobos font leur appartement tout seul, ils ne font pas appel à des décorateurs, ils veulent acheter des choses qu’ils ramènent de voyage, c’est super intéressant. Indépendamment de la mode enfantine je lance un supplément pour prendre des photos de ce parquet moulure cheminée parisien avec le Coffee table book. Ces suppléments ont un grand succès, surtout au Japon c’est là-bas que je lance Milk Magazine. Je lance la première édition du Milk Parental, on est en 2006 et je travaille avec les japonais. Ma fille Hiroko est née en 2003 comme le journal, mon fils s’appelle Aliocha (comme dans les Frères Karamazov de Dostoïevski) surement dû à mon passage en fac de lettre (rires). Et je continue à aller chez les bobos en Europe parce qu’au Japon ils vivent de manière très traditionnelle.
R : Ça a changé le mode de vie Japonais ?
I : Ça commence à changer. C’es très doux parce que le japonais a un appartement avec des pièces qui prennent différentes fonctions selon l’heure de la journée parce qu’ils utilisent l’espace différemment. Une pièce peut être un lieu de repas comme de couchage. Les restaurants sont dingues, les boutiques très bien décorées, les temples, les jardins.. c’est un des plus beaux pays du monde.
R : Tout ces projets se nourrissent
I : Oui, je continue à aller voir les bobos chez eux et je lance Milk Décoration en 2007. J’essaie de trouver un dogme : je vais chez les parents bobos dans le monde entier et j’y reste 2h, le temps d’un déjeuner ou d’un dîner avec des gens que je ne connais pas. Je me dis que c’est intrusif, et je repense à la fois où Marie-Claire avait fait un chouette reportage chez moi début 2000 et ils étaient restés deux jours. Ils enlevaient les couverture pour y mettre de la pub. Je ne comprenais pas, ce n’était pas du reportage. Nous on a commencé a aller chez des gens qui avaient des enfants et on restait très peu de temps en ne touchant à rien. Les japonais avait créé ça aussi, en créant des petit guides au même moment que le Milk Déco. C’était très snapshot avec des petits appareils au flash. Mais esthétiquement ça ne me plaisait pas. Je ne comprenais pas ce côté fait rapidement. Très vite, le goût des intérieurs, des arts décoratifs, du Craft, de l’artisanat..Comme je disais mon père est peintre, le père de mon mari est peintre, la mère de mon mari est tapissière et maintenant céramiste, donc j’ai un environnement chargé d’esthétique.
Les appartements bobos, c’est super : parquet, moulures, cheminée, table Noguchi, canapé Caravane je m’ennuie au-delà.
J’ai un goût très affirmé qui me mène à aller plus loin et au lieu de me dire j’arrête je deviens décoratrice, je me dis il faut que j’aille voir ailleurs des intérieurs plus beaux, plus fous, plus originaux. Et là je quitte les familles. Mon modèle c’est le magazine Living que j’adore qui est bien maquetté, anciennement Casa de Abitare. Je ne voulais pas voir d’appartement vide, je veux toujours voir le propriétaire et là c’est une contrainte lourde car les gens n’aiment pas se montrer fortuné en 2021. Je ne peux pas butter contre la demande de vie privée des gens.
R : Tu ouvres ton appartement ?
I : Il a été photographié et édité dans des livres car il a été refait par des architectes turinois le Uda. J’ai été la première parisienne à leur confier mon appartement. C’était leur premier chantier donc il a été beaucoup photographié, comme ma maison à l’île de Ré que j’ai depuis 15ans.
R : tu penses avoir un impact sur le goût des gens ?
I : Moi non, mais le Milk déco oui. En quelques années c’est devenu fou. Il y a certains décorateurs ou archi d’intérieurs qui livrent presque pour faire plaisir à Milk Décoration, nos codes, notre souci de l’artisanat, le goût pour l’artisanat populaire, le brutalisme. Tous les mouvements qu’on a voulu pousser maintenant on les voit partout. Moi j’étais très contente de voir du carrelage et du laiton avant, maintenant il n’y a plus que du bois, du carrelage marron, il n’y a plus de rose ou de vert pomme. C’est saisissant. Tout le monde me montre des réalisation avec du Guy Bareff, c’est formidable on a fait bougé les lignes. On essaie de se renouveler de ne pas s’endormir sur cette tendance.
R : C’est quoi la next step ?
I : Le next step ça va être un gros chantier. Bien sûr, de suivre ce que font les décorateurs, mais je voudrais aller toujours plus à la source : c’est à dire aller voir les artisans dans le monde entier qui travaille la matière brute, le métal une tendance qui m’intéresse. La céramique on a compris que c’était beau tout le monde a au moins une pièce chez lui. Je ne peux pas aller au-delà de ce qu’est un magazine, je ne veux pas devenir un gourou donc le magazine est là pour refléter ce que le magazine trouve chez les gens : dans les restaurants, dans les voyages sur un marché à Bogota;.. C’est dangereux d’imposer. Il y a des sociologues qui se sont rendus compte que l’artisanat marocain plaisait tellement que dans un aéroport au Mexique on trouve de l’artisanat fabriqué au Maroc. Il faut faire attention, la mondialisation de l’artisanat c’est une réalité. Donc il ne faut pas trop pousser notre goût parce que les artisans de pays en voie de développement vont nous livrer exactement ce que l’on veut, c’est très dangereux. Il faut que tout reste avec des marqueurs forts. Le goût que j’ai, c’est d’aller chez les gens et de faire des rencontres, c’est l’humain qui va me guider.
R : Oui quand tu vas chez les gens tu les interviewes, ça se limite à l’intérieur ou à leur vie ?
I : on va un peu plus loin on essaie de voir ce qui les a nourri. Par exemple hier j’ai vu un artisan ans les ateliers à Saint-Denis dans une ancienne friche industrielle qui appartenait à Christofle j’ai visité tous les jeunes qui font parties de cette pépinière grâce à la mairie de Saint-Denis. J’ai rencontré un jeune de l’école Boulle me montrer son travail de mobilier entre l’Inde et Saint-Denis. Ça m’intéresse de voir les jeunes qui sortent de l’école.
R : c’est important d’être proche de la jeunesse pour justement se renouveler ?
I : Sur le business il y a toujours un peu d’analyse et d’opportunisme en revanche, être avec jeunes c’est quelque chose de très naturel. J’ai plus du mal avec le côté statutaire, les grands groupes, ça ne m’intéresse pas tant que ça. Évidemment on ne transforme pas un business de presse aujourd’hui en 2021, c’est plus compliqué qu’une marque. Tout le monde me demande si Milk ne deviendrait pas une marque. Pendant le confinement je me suis posée, comme toute la France, et j’ai réfléchi en prenant de la distance sur mon travail. Et là je me suis demandée ce qui pourrait être un produit très proche de l’univers du Milk.
Je fais de l’impression et je rencontre des artisans et des artistes. Donc pendant le confinement mon mari et moi avons lancés une nouvelle histoire qui s’appelle la Craft Gallery, le premier chapitre de cette aventure consiste à réaliser de l’affiche d’art. On travaille avec Picto qui ont un nouveau procédé de jet d’encre sur papier bambou. Certes c’est une affiche, mais quand on regarde on a l’impression qu’on peut toucher le velouté de la peinture. Ce procédé nous permet de réaliser des affiches. On a choisi des artistes : céramistes, peintres, collages, photographes. J’ai une centaine d’œuvre dont je suis très fière. C’est un digital business, on commande l’affiche puis on la reçoit, le premier prix est à 89 euros, il y a une petite édition donc le monde ne va pas être couvert de l’affiche, elle est destinée à ceux qui ont du goût. C’est une très belle aventure qui nous a amené à la présentée au concept store Merci. Au mois de juillet dernier, j’ai loué un petit immeuble à Arles pendant les rencontres photos, je ne me suis pas positionnée comme une galerie photo mais je voulais être à ce moment là d’une nouvelle énergie avec l’ouverture de la fondation Luma par Maria Hoffman. J’y ai présenté les affiches avec des artisans et des designers. La Craft Gallery accompagnée du mobilier Chapo, l’antiquaire Graziella et ses paniers japonais, la maison d’édition de design de David Giroire Théorème. On a présenté des œuvres en résine sublime de la céramique d’usage, des coussins patchwork..tout un univers Craft Gallery assez sympa.
R : tu veux l’emmener où ?
I: Ça reste digital et tous les six mois on tente de montrer nos nouveaux artistes. Prochainement on va les exposer au Bon Marché pendant les fêtes, soit une quinzaine d’affiche dans le département meuble. On sera là tous les weekends pour discuter avec les gens. On a aussi un projet de signature de livre en novembre car pendant le confinement on s’est posé avec l’équipe du Milk Magazine pour regarder les intérieurs des familles avec enfants inspirantes qu’on avait pu éditer. On s’est rendu compte qu’il y avait une très belle qualité depuis des années donc on en a fait un travail de compilation de famille qui vivent en Australie, à Montréal à Paris à Tanger… Toutes ces familles font désormais partie d’un livre que je présenterai chez Conran Shop avec une maison d’édition basée entre Berlin, Londres et Barcelone. Donc ce sont de très beaux projets qui ne touchent pas à la marque. La Craft Gallery pourrait devenir éditeur de céramiques, de tissus…
R : Et pourquoi pas Milk Gallery ?
I: J’étais tellement contente de rencontrer du succès avec Milk magazine, l’engouement des parents, j’ai passé dix ans de rêve et j’ai voulu mettre en lumière ces gens qui avaient du goût d’intérieurs inspirant et qui s’occupaient bien de leur famille, donc spontanément j’ai voulu appelé ça Milk Décoration. En fait il aurait fallu un autre nom car ce magazine Milk Décoration ne parle plus des parents mais des créatifs, des artisans. Donc j’arrête de décliner. J’ai une licence au Japon, j’ai une licence en Corée et une autre en Chine que j’ai depuis 1 an et demi. Je voudrais un peu arrêter le label « Milk » qu’on ne peut pas servir à toutes les sauces. La Craft Gallery c’est un autre regard.
R : Qu’est-ce qui fait que Milk est unique ?
I : Milk a été challengé. On avait plein de concurrents : le supplément de l’Officiel, du Vogue, l’extra-Small et finalement ils se sont tous essoufflés.
La réussite de Milk, s’est basé sur ça :dès le départ je me suis associée avec des collaboratrices de 20 ans quand moi j’en avais 30. Et pendant dix ans elles ont fait le Milk comme une expression esthétique et ensuite elles sont devenues maman donc elles ont repris la main sur le journal et moi je suis passée sur le Milk Décoration. Donc il y a un vrai intérêt pour le sujet : d’abord esthétique et maintenu un intérêt réel familial de l’équipe de Milk Magazine. Aujourd’hui Mélanie Hoffner, Sarah Bergé, Mandy, Alice qui sont mobilisées sur le Milk ont toutes des enfants. Donc elles vivent l’expérience au quotidien. Mes enfants vont avoir 23 et 18 ans, donc je ne suis plus autant impliquée sur les sujets de la petite enfance. Je parlais un peu plus tôt du goût pour la photo et de l’enfant vedette, les choses ont changé. La mode enfantine intéresse mais moins qu’avant. Je pense qu’un parent contemporain est moins impliqué sur les dégâts des téléphones, que dire aux enfants, comment les amener à faire de bonnes études comment leur apprendre à bien manger… Quand le journal a eu 15 ans, j’ai pris une décision radicale : je ne voulais plus un enfant en couverture seul, car dans la vraie vie, il est toujours accompagné. Je veux exprimer la parentalité plus que l’enfant. Toutes les couvertures du Milk sont incarnées par des familles réelles : des femmes enceintes, des naturistes, deux mamans avec leurs enfants… On va couvrir une parentalité très large. On va montrer la représentativité des parents contemporains aussi en termes de diversité. Ce qui est magique c’est que tous les annonceurs de mode enfant ont compris que la mode enfant intéressait différemment les parents, moins, mais toujours avec l’appétence d’acheter des beaux vêtements mais bien fait, mais je ne pouvais plus faire des séries de mode au kilo avec des enfants qui portaient des vêtements de marque, ça ne marchait pas. J’ai tout lâché en pensant qu’on allait me laisser seule et en fait on m’a suivie.
R : Qu’est-ce qui t’anime aujourd’hui ?
I : Je suis très attachée à travailler en équipe, je ne suis pas fan du télétravail. On ne fait pas de la location de voiture. Je veux travailler autour d’une marque : Milk, Milk Déco et Craft Gallery donc j’ai besoin que mes équipes soient là. Bien sûr qu’on peut imaginer un peu de télétravail mais j’ai vraiment envie de fédérer une équipe. On est tous partie récemment faire un séminaire dans les Baléares et j’ai besoin de l’énergie des autres.
Je pense qu’une marque ça se construit avec du présentiel.
R : Qu’est-ce que tu dis à tous ces bobos qui partent travailler à la campagne en télétravail ?
I : C’est une source pour nous de reportage, donc je ne vais pas cracher dans la soupe; S’ils ont pris la décision de devenir freelance et leur expertise, leur savoir-faire esthétique et leur plume ils peuvent la consacrer en travaillant à distance c’est formidable ! Je parle juste de mon équipe, et du fait de mettre nos goûts dans un petit format 29x29x7 et donner cette énergie dans un site internet, sur instagram…Cette exode rurale est un sujet formidable car elle est souvent accompagnée de maison à repenser. Comme on est sur des parcours de vie souvent c’est un changement radical. Hier soir encore je dînais avec un designer qui vit 4 jours à Fontainebleau et le weekend à Paris. C’est une lame de fond.
R : Penses-tu que c’est une tendance durable ou qu’ils vont tous revenir dans 2 ans ?
I : Si tout le monde arrive à avoir une activité freelance bien concentrée, c’est un bon choix de vie. Il faut quand même trouvé des endroits où il y a de la culture, sinon on ne se nourrit que de Netflix et c’est dommage. Et je ne suis pas toute seule, les expositions de la rentrée attisent des queues incroyables devant les musées. Morozoff à la Fondation Louis Vuitton c’est exceptionnel, également pour le Musée Jacquemart André et Botticelli, les gens ont envie d’être en présenter sinon tu regardes sur ton écran un tableau.
R : Comment se présente le lieu de Milk
I : Il y a un étage de vêtement, la partie shopping pour les séries photo et en dessous il y a une autre pièce avec des magazines et des meubles pour les natures mortes.
Là il y a mon bureau. On a la chance d’être localisée en face de l’hôtel Regina, dans le 1er arrondissement de Paris en face des Tuileries.
Quand le Milk se lance, pour dire qu’on était important il fallait que je sois au coeur de la cité. Avant il y avait Colette donc je me suis mise à côté. J’ai fait le lancement chez elle. C’est un quartier atypique pour la presse, aujourd’hui ça a moins de sens on pourrait aussi bien être dans un rez-de-chaussée du 11e pour faire plus ‘factory’ et ouvrir la porte au monde extérieur.
Ça fait un peu bureau de notaire mais il y a quand même du bazar.
R : C’est quoi les objets que tu adores
I: Je chine beaucoup, j’achète du vintage. J’ai une obsession pour le bois gougé, la céramique, les bougeoirs, les livres de cuisine…
R : Tu cuisines bien toi ?
I : non parce que j’ai un mari qui cuisine divinement bien. Mais je capable de tester tous les restaurants de Paris (rires).
Donc j’ai des livres dans mon bureau, des affiches, des œuvres d’arts originales que j’achète, de la presse et j’ai des petits cadeaux.
R : Si tu devais garder qu’un seul objet se serait quoi ?
I : En ce moment j’adore mon bureau Eames, une pièce de céramique…En ce moment sinon je garderai le livre Pierre Chapo.
R : On sort de ton bureau
I : Et voilà la personne sur laquelle repose toute l’identité du Milk, c’est ma plus ancienne collaboratrice : Mélanie Hoepffner. Elle est rédactrice en chef mode du Milk. Julie juste en face est là depuis 5 ans, elle s’occupe de la publicité du Milk Décoration.
On n’est pas en bouclage : c’est le moment fort où tout le monde est là on passe à une vingtaine de personnes. Les deux magazines bouclent au même moment, c’est une histoire de périodicité.
Et là Adel, mon collaborateur Craft Gallery, Milk Décoration qui travaille avec moi depuis 5 ans, et il est mobilisé sur la déco.
R : Comment définirais-tu cette salle ?
I: Elle est à géométrie variable : elle peut être un secrétaire de rédaction, la traduction. On a la salle ed rédaction. Karel qui est mon partenaire depuis toujours.
R : C’est quoi la longévité d’un couple ?
I: Il faut regarder devant et côté à côté. On ne se ressemble pas, on n’a pas le même caractère, la même expertise. Passion pour l’informatique et le digital.. d’où mon fils ingénieur dans le nucléaire.
R :Comment se fabrique le magazine concrètement ?
I: Design graphique qui va prendre la main au début du bouclage avant un mois et demi de. préparation des journalistes qui compilent les textes et les photos. Prise de vue, interview soit, la matière brute, puis tout ça est digéré par les journalistes arrivent les freelances à la maquette et tout le monde se ressert autour des ordinateurs pour mettre en page (légendes, traduction, le secrétariat de rédaction) ce n’est pas comme une collection de vêtements, les formats existent déjà sur du 2D. C’est plus le contenu et les choses qu’on va montrer qui vont étonner.
R : Vous faites beaucoup à la main aussi
I : Oui notamment quand on fait les photos de déco, on fait le lit, on range on passe le balai…
On a aussi une petite cuisine, la photocopieuse, toute la bande pub comptabilité marketing : Mandy, Alice, Maria mon bras droit. Et cette partie on a la rédaction du milk et du milk déco : Laurine la rédactrice en chef du Milk Déco, Sophie, Salomé, Sarah. Tout le monde a son bureau Eames, Vitra et son étagère String.
R : c’est quoi ton lifestyle ?
I: La mode m’intéresse, je suis une fan d’Acne, mais je n’achète pas de mode, je m’habille chez Cos, Toast la marque anglaise que j’adore, très basique. Je voyage quasiment tout le temps. Je voyage avec un sac en coton, j’ai été battue par une mannequin qui un jour est arrivée avec un sac à main pour 4 jours.
Là haut une autre pièce de shopping.
C’est vrai que mon lifestyle c’est jean pull over Uniqlo, en revanche mon goût pour l’objet est sans limite. J’en suis même arrivée à dire à mon mari qu’il fallait être écolo et ne plus voir de voiture, j’ai un garage au pied de mon immeuble qui me sert des stockage de vélos électrique et d’objets : des meubles du ventages, des tapis, du tissus… On a l’impression qu’un hôtel se prépare dans mon garage alors que non !
R : L’hôtellerie ne t’attire pas ?
I : je fais du conseil hôtelier pour trouver l’ADN de l’histoire surtout à la campagne et en Méditerranée, c’es très chouette. Bien sûr que ce serait formidable d’avoir un hotel mais c’est une autre activité, nous on est juge, on regarde on test et on report.
R : qu’est-ce qui fait que tu auras eu une vie comblée ?
I : j’ai une activité très intéressante, j’ai une équipe de 14 personnes je m’entends bien avec mon. mari, je fais des reportages chez des gens exceptionnels parce que souvent les gens qui commence à avoir de belles maisons sont des gens qui ont accumulé des collections d’art, d’artisanat, de beaux livres. Donc j’ai la chance d’aller voir des gens étonnants.
Ça m’a beaucoup aidé à ne pas accumuler trop de richesse : j’ai pu avoir accès à des maisons à Ibiza, Des châteaux fait par Axel Vervoodt en Belgique, des hôtels accrochés à des falaises, j’ai beaucoup voyagé, donc j’ai pu voir des choses magnifique. Mais maintenant je n’ai pas besoin de les posséder. Je souhaite moins accumuler et avoir des expériences un peu plus simples. J’ai eu de la chance de visiter grâce au Milk décoration des lieux exceptionnels.
R : Tu as le meilleur job du monde aujourd’hui
I: J’ai fait de la presse j’ai voulu être gourou de tendance. Je dois rendre des comptes à personne, je cours après quelques collaborations mais il y a une grand eliberté de change la ligne éditoriale de prendre mes décisions. On est quand même devant un inconnu : est-ce que les gens de 25ans achète de la presse papier ? Donc il va falloir que je transforme mon modèle parce que la presse papier est payante, le site et le instagram sont gratuits. Le Paywall devient la nouvelle solution déjà utilisé par de grands médias. Comme la presse lifestyle ne le fait pas… Il est peut-être temps que je le fasse.
R : Ma dernière question c’est qui souhaiterais-tu entendre dans ce podcast le monde de Réuni ?
I : j’ai une admiration sans limite pour la marque Acne. J’adore la Scandinavie, ils reprennent le lead sur tout : la mode et le mobilier. Copenhague c’est le petit New York Européen. Acne qui est une marque suédoise me fascine car ils arrivent à faire du basique avec des jeans, en même temps quand on voit un défilé on est subjugué par la créativité que propose la marque. En termes de casting, il est très étonnant. Leur mode, leur magazine Acne Paper, leur état d’esprit me bluffe depuis plus de dix ans, dans un pays où il fait nuit à 16h l’hiver.
J’ai acheté une chaise dingue en fibre de carbone verte au salon Maison & Objet et au moment où je l’achète le gars me dit que les deux créatifs d’Acne l’ont acheté et je la retrouve à Stockholm dans toutes les boutiques. Je discute avec le designer qui me dit que ce n’était qu’une étape, c’était la coque et ils l’ont arrêté.
R : Merci infiniment Isis-Colombe Combréas.
Crédits photos RÉUNI et Grégoire pour la vidéo.
Références :
Milk Magazine : https://www.milkmagazine.ne
Milk Décoration : https://www.milkdecoration.com
Théorème édition : https://www.theoremeeditions.com
Craft Gallery : https://craftgallery.fr
Fovéa Design : https://www.foveadesign.fr
Jalouse Magazine : ://www.instagram.com/jalousemag/
Merci : https://merci-merci.com
Le Bon Marché :https://www.24s.com/fr-fr/le-bon-marche
Cornan Shop : https://www.conranshop.fr
Fondation Louis Vuitton, exposition Morozov : https://www.fondationlouisvuitton.fr/fr
Musée Jacquemart-André, exposition Botticcelli, artiste et designer : https://www.musee-jacquemart-andre.com
Picto : https://www.pictoonline.fr
Fondation Luma par Maja Hoffmann : https://www.luma.org/fr/arles
Guy Bareff : https://www.milkdecoration.com/guy-bareff/
Étagère String : https://stringfurniture.com/fr/products/cell
Vitra : https://www.vitra.com/fr-fr/home
Acne Studio : https://www.acnestudios.com/fr/fr/home
Axel Vervoodt : https://www.axel-vervoordt.com/gallery