Laurianne Melierre, Fondatrice de l’agence de rédaction PLUME. 
Une identité composite à la croisée de multiples univers.
 

Le Monde de RÉUNI explore l'univers, le parcours et les points de vue d'artisans, d'artistes, d'entrepreneurs, de personnalités des industries créatives et culturelles qui contribuent à la préservation et à la valorisation des savoir-faire et qui influencent d'une manière ou d'une autre notre esthétique et notre art de vivre.

 

Successivement journaliste presse, chroniqueuse télé et podcasteuse, Laurianne Melierre est aujourd’hui à la tête de sa propre agence de rédaction PLUME. 

C’est dans ses bureaux du 20ème arrondissement qu'elle nous reçoit, un espace de travail lumineux et spacieux où des profils variés se côtoient.


Elle évoque avec nous l'importance de la construction de son identité plurielle qui se manifeste en partie à travers la cuisine, et sa vision de la diversité aujourd'hui. Engagée, Laurianne cherche d'abord à comprendre le monde qui l'entoure en observant les choses avec son regard journalistique.


Hyperactive dans sa vie publique, elle ralentit le rythme dans son monde intérieur dont elle n'ouvre les portes qu'à son entourage proche. Celle qui a traversé une partie de la France à vélo, cherche avant tout à vivre des moments simples pour elle, avec sa famille et ses amis et en conscience.


Retrouvez l’intégralité de l’interview sur toutes les plateformes d’écoute de podcasts,


Laurianne, pourrais-tu te présenter en dehors de ton cadre professionnel ? 


C’est une excellente question. Lorsque l’on me demande de me présenter, je parle tout le temps de mon travail. C’est bien pratique, car c’est un bel écran, le travail, mais j’essaye de plus en plus de me présenter en tant que Laurianne. Donc, si je devais enlever le boulot, qui représente une grosse partie de ma vie… Je suis Laurianne Melierre, j’ai 30 ans, j’habite à Paris dans le 11e arrondissement, je suis la fille de Caroline et François qui sont nés respectivement au Cameroun et au Maroc. Je fais beaucoup de sport, j’adore manger, j'adore parler de nourriture, je ris beaucoup avec mes amis et je lis beaucoup de livres. 


Tu as préféré ne pas me recevoir dans ton intimité. Pourquoi il est important pour toi de préserver cela ? 


Justement, je viens de me présenter d’un point de vue personnel et finalement, c’était plutôt la fiche technique de qui je suis. Je trouve que l’on a toujours besoin de savoir d'où l’on parle, tout ce que l’on dit est toujours situé, je ne peux pas prétendre être quelqu’un de neutre. Pour moi, il est important de poser le décor pour savoir d’où je parle. Nous sommes dans mes bureaux, dans le 20e arrondissement de Paris. Ce sont les bureaux de mon agence, PLUME. Tu m’avais proposé que l’on se retrouve chez moi, puisque c’est le concept du podcast “Le monde de RÉUNI”, mais j’ai beaucoup de mal à recevoir des personnes chez moi en dehors de mon cercle familial ou amical proche. Pendant longtemps, j’ai eu une image publique, j’ai fait de la télé pendant trois ans et j’ai partagé beaucoup, ce que je suis, mes idées, mes convictions, mes engagements. Mon appartement était donc le seul sanctuaire très protégé, très intime où je pouvais être qui je suis avec mes failles, mes aspérités et toutes ces choses qui ne sont pas réglées et pas dicibles. J’ai besoin de conserver cet espace comme refuge où il n'y a jamais de représentation ou de monde professionnel qui s’immisce. C’est aussi pour cela que je prends soin des bureaux, car j’ai vraiment besoin de séparer le professionnel et le personnel.


Est-ce que tu es vraiment différente dans ces deux univers ?


Je n’ai pas l’impression d'être foncièrement différente, mais j’ai plusieurs facettes de ma personnalité. Quand je suis dans un cadre professionnel ou un cadre qui nécessite une forme de représentation, je peux aborder les choses différemment. Je n’ai pas l'impression d'être radicalement différente, mais, à l'extérieur, j'essaye toujours de présenter une partie de moi qui est aboutie alors que chez moi, je m’autorise à être work in progress. 


Nous ne sommes pas dans ton appartement, mais est-ce que tu pourrais nous le décrire ? 


C’est un appartement haussmannien avec du parquet ancien au sol, j’habite au premier étage, il y a trois grandes fenêtres dans le salon, une grande bibliothèque en métal noir avec énormément de livres. J'avais regardé la notice de cette bibliothèque et j'avais le droit à 25 kg par étagère, mais j’ai complètement débordé, je me dis qu’un jour, je vais rentrer et elle se sera écroulée.


Quels sont les livres de ta bibliothèque ? 


Il y a toutes sortes de livres et je les ai classés par thématique. Il y a les romans graphiques d’un côté, tous les romans et essais liés au féminisme de l’autre, il y une énorme étagère remplie de livres sur des chefs, des recettes, des analyses sociologiques autour de la nourriture. J’ai animé pendant longtemps un podcast autour de la nourriture qui s'appelle “manger”. Il y a toute une partie de romans, fictions, non-fictions… Et puis, j’ai aussi un fauteuil qui est un peu design années 60, un canapé vert en velours. J’ai une chambre extrêmement cocooning, c’est d'ailleurs la première pièce que j’ai meublé dans mon appartement. J’ai un lit d'hôtel, que j’ai acheté sur le site de la boutique du Sofitel, c’est la meilleure literie du monde. 


Tu as une relation au sommeil qui est très importante ? 


Oui très importante. J’adore dormir, j’essaye de dormir plus. Je lis des études en ce moment qui expliquent que le sommeil, c’est vraiment la clé de tout. 


Est-ce que c’est mieux que l’alimentation, le sport…


Je n’ai jamais pu choisir entre manger et dormir. Par exemple, si je rentre tard le soir et que j’ai faim et sommeil, je ne sais pas quoi faire et comment procéder. 


Tu ne nous as pas parlé de ta cuisine… 


C’est une petite cuisine, très fonctionnelle. J’y passe beaucoup de temps parce que j’adore cuisiner. Je pense que cela vient du fait d’avoir vu ma mère cuisiner, elle ne nous en parlait pas comme quelque chose de fondateur dans notre famille, mais elle cuisinait au quotidien et pour des occasions particulières comme Noël ou les anniversaires. Elle cuisine divinement bien. Elle prend trois restes dans le frigo et elle fait quelque chose de super. Je pense que j’ai récupéré son intuition au niveau des saveurs. Elle ne se pose aucune question, elle ne cuisine jamais avec une recette et moi, c'est pareil, je cuisine sans recette, sans balance, sauf pour la pâtisserie, mais la pâtisserie c’est autre chose, c'est suivre un plan. Je fais griller des trucs et je déglace au jus d'orange à la dernière minute, je n’ai pas de connaissance technique, je le fais au feeling et je me fais plaisir. 


Quelle est ta recette de prédilection ?


J'adore cuisiner le poisson et les fruits de mer, ça m’arrive souvent de cuisiner des moules marinières à la maison. Toutes les choses qui me font envie dans des restaurants, je me motive pour les cuisiner chez moi. 


Donc tu regardes un peu ce qu’il y a dans la recette et tu essayes de la reproduire ? 


Non, ce sont plus des envies, j’invente ou je réinterprète des choses. Je ne sais pas si c’est ma recette signature, mais pendant un moment, j’ai passé beaucoup de temps à cuisiner un pâté en croûte. J’ai d’ailleurs raconté la conception de ce pâté en croûte sur les réseaux, car ça prend trois jours pour le réaliser. Tout ce qui est en croûte, j'adore le cuisiner. 


Qu’est ce que cela dit de toi ? 


Je pense que c’est un medley de toutes mes identités, j’estime avoir une identité composite. Je ne suis pas qu’entrepreneuse, je ne suis pas que journaliste, je ne suis pas que blanche ou que noir, je suis une femme métisse qui habite dans une grande ville et qui a grandi en banlieue dans HLM. J’ai l’impression d’être à la croisée de beaucoup de mondes, je sais que j’arrive à comprendre beaucoup d’univers tout simplement parce qu’il a fallu que je m’adapte au monde du journalisme par exemple, au monde des médias que je ne connaissais pas du tout. Le monde de la mode qui est un monde difficile, et celui de l'entreprenariat aujourd’hui, qui est plutôt masculin. Finalement, j’ai l'impression d'être à la croisée de différents univers et de parler plusieurs langues, d'être dans des univers où l’on ne s'attendait pas à voir quelqu'un comme moi débarquer. 


Est-ce que tu aimes ton époque ? 


Est-ce que j'ai le choix d'aimer mon époque ? Je ne sais pas, je ne peux pas savoir ce qui se serait passé si j'étais née dans les années 60 ou ce qui se serait passé si j’étais née dans 40 ans ou dans 50 ans. J'aime mon époque, car j’ai l'impression d'être un produit de cette époque, j’ai des valeurs qui sont féministes et antiracistes. Ce sont des thématiques que l’on aborde beaucoup aujourd’hui, il y a encore 10 ans en France, ces sujets n’étaient pas abordés. Je me sens plutôt bien dans cette époque, j’estime qu’il y a énormément de choses à changer, j’ai envie que cela aille vite et je ne comprends pas que ça prenne autant de temps, mais je suis aussi assez pragmatique et je sais que pour embarquer tout le monde, c’est un peu plus lent que ce que je voudrais. 


Est-ce que tu es porte-parole de ces causes ? 


Je porte ma parole et c’est déjà pas mal, parce que pendant longtemps j’avais du mal à dire ces engagements notamment sur l’anti-racisme. Jusqu'à George Floyd, en mai 2020, j’avais du mal à dire quand j’étais témoin de racisme ou moi-même victime de racisme parce que toute ma vie, j’ai dû me fondre dans le décor. J’ai commencé à travailler très tôt dans des milieux où il y a peu de diversité ou alors c’est de la diversité cosmétique. On va mettre des personnes d'origine asiatique ou d’origine subsaharienne sur des campagnes, mais en réalité au sein des marques et des médias il y a beaucoup d’entre-soi, c’est très homogène et il y a beaucoup de népotisme. 


Ça veut dire quoi népotisme ? 


C’est la cooptation, promouvoir ou donner des rôles ou des postes à des personnes que l’on aime bien, à sa famille, sans chercher la personne la plus talentueuse et sans aller au-delà de ses cercles de connaissances et de ses cercles de valeurs. Donc, j‘ai dû beaucoup m'adapter et c’est ce que font beaucoup de personnes racisées sans même s’en rendre compte. Toujours à se sur-adapter à des nouveaux environnements, cela prend beaucoup d'énergie. Lorsqu’il y a eu l’affaire George Floyd, la parole s’est beaucoup libérée et je me suis rendu compte que moi, aussi j’étais légitime pour parler de ces sujets parce que je les côtoyais de près et j’avais un avis sur la question. C'est une période où j'ai été très active sur les réseaux parce que je pense que j'avais besoin d’exprimer toutes les choses que j'avais tu pendant longtemps. J’ai commencé à travailler dans la mode à 19 ans, donc je n'allais pas taper du poing sur la table à cet âge, je venais d’arriver et je devais faire mes preuves. On te fait comprendre aussi que toutes ces thématiques, liées à la couleur de peau, ne sont même pas abordées. J’ai dû ravaler beaucoup de choses finalement, c'est très violent et on s’en rend compte un peu plus tard lorsque l’on est plus mature et que l’on a plus la possibilité financière de le faire. Aujourd'hui, je gagne ma vie et j’ai le luxe de pouvoir dire non aux projets qui ne me plaisent pas. 


À chaque fois que tu prends la parole sur les réseaux sociaux, principalement sur Instagram, tu as ton biais journalistique et tu apportes une analyse, c’est toujours très intéressant…


Justement, je suis en pleine réflexion sur mon rapport aux réseaux. Cela fait un mois que je ne poste presque plus rien. Mais pour revenir à ce que tu disais, je pense que lorsque l’on travaille dans une industrie où il est difficile de s’en détacher, surtout que le journalisme est une manière de poser un regard sur le monde et d’analyser les choses. Donc évidemment que, tout ce qui m’intéresse, je le lis au travers de ce regard journalistique. J’ai une manière de présenter les choses avec beaucoup de storytelling, souvent, c’est assez complet, mais c’est très chronophage, ce qui nous amène au sujet d’après, le rapport aux réseaux sociaux. J’ai un trop-plein d’Instagram en ce moment, je ne veux pas du tout bannir les réseaux, mais je suis en pleine réflexion sur mon usage des réseaux. J’aimerais avoir un rapport plus spontané et moins chronophage. Mais on sait bien que pour être visible sur Instagram, il faut faire quatre stories par jour, un post tous les deux jours et un Reel tous les quatre jours. C’est un rythme terrible. Pour faire trois stories, ça me prend une demi-heure et c’est beaucoup dans une journée, donc je suis en pleine réflexion et je me demande pourquoi je le fais, à qui je le dis, comment j’ai envie de le faire. Je me pose ces questions pour avoir un rapport aux réseaux moins chronophage et plus smooth. 


Chez RÉUNI, on se pose aussi ces questions, comment on utilise cet outil. Sans lui, on n’existerait peut-être pas. Est-ce que tout ce que tu fais à côté d’Instagram, finalement, tu ne l’as pas grâce à Instagram ? 


Cela ne fait qu'un mois que j’ai arrêté de poster sur Instagram et je n’ai pas l’impression que la vie a changé. La seule chose qui a changé, c’est lorsque je croise des gens dans le quartier, ils ne savent plus ce que j’ai fait. Avant, je postais des stories lorsque j’étais dans un café, lorsque je sortais d’une librairie et je croisais des gens, même des gens que je ne connaissais pas qui me disaient que ça avait l’air sympa ma journée alors que ce n’était pas du tout cela le plus important pour moi, cela déséquilibrait tout et c’étaient beaucoup de mensonges. Par exemple, si je passais dans un café et que je trouvais la lumière jolie, je faisais une story, les gens se disaient certainement que j’y avais passé l’après-midi alors que ce n’était pas le cas et ce n'était pas important, cela ne me définit pas. 


Revenons à ton monde intérieur, c’est quoi l'esthétique de ton appartement? 


Esthétique lente, extrêmement lente. Je mets un temps fou à choisir les objets qu’il va y avoir chez moi, à réfléchir à tel ou tel objet de décoration. Tout prend énormément de temps. 


Tu es patiente… 


Oui, dans mon appartement je suis très patiente. L’extérieur de ma vie est très rapide, les journées commencent tôt et finissent tard, je fais tout à vélo, à fond la caisse. Parfois, quand j’essaye d’expliquer à mon père qui habite en Auvergne, qui travaille de chez lui et qui n’a rien à voir avec ma vie, que je n’ai pas eu le temps de l’appeler, il ne comprend pas que je n’ai pas 10 min dans ma journée pour cela. C’est très difficile pour moi de ralentir le rythme. En ce moment, ça va mieux, car cette année, je ne fais pas de télé et je n’anime pas de podcast. La vie est extrêmement rapide, donc chez moi, c’est tout l’inverse. Cela fait un an et demi que j’habite dans cet appartement et je viens enfin de trouver la bonne ampoule qui ira dans ma cuisine. Chez moi, il n’y a aucune urgence. 


Quelle est ta relation aux vêtements ? 



C’est un peu un monstre à deux têtes : il y a les vêtements que je mets tout le temps comme par exemple un jean Levi's, qu’un pote m’a donné et que je viens de craquer, car je l’ai trop porté et je l’ai usé jusqu’à la corde. Mais je viens d’entendre parler d’un concept qui s’appelle la Clinique du Jean qui répare les jeans, pour lui un jean ne meurt jamais. Il faut envoyer le jean dans une boîte à Ivry-sur-Seine et ils s’en occupent. Donc, là, il y a cette boîte avec mon jean qui attend sous mon bureau qui est sur le point de partir à Ivry-sur-Seine. Je porte donc des vêtements très classiques, tee-shirt blanc, jean 501, une petite paire de chaussures. Mais, dans mon sac, j’ai une paire de sabots suédois, peints à la main. Si à la fin de la journée, j’ai mal aux pieds, je mettrai mes sabots en bois. 


Tu portes quoi comme chaussure aujourd'hui ? 


C'est une paire de Miista, c’est une marque londonienne, qui produit en Espagne et que j’aime beaucoup. J’ai à la fois un look très décontracté, je ne me prends pas la tête, pas de make-up, les cheveux en vrac.. Et puis, il y a des jours où j’ai envie d'entrer dans la peau de quelqu'un d’autre. Quand tu t'apprêtes, ça te tient, le vêtement te tient. J’ai vraiment vu cela lorsque j’ai travaillé chez Canal +. Quand tu arrives, tu peux être en jogging si tu veux, l’étape de la coiffure et du make-up sont des sas de décompression qui te permettent de rentrer dans la peau du personnage que tu vas jouer pour présenter ta chronique, interagir avec ton audience et les invités. S’il n’y avait pas ce sas de décompression, il serait difficile de séparer les univers et tu pourrais te retrouver dans la lumière en étant trop nu, trop exposé. Je ne vois pas forcément cela comme un masque, mais comme une manière de rentrer dans ton rôle, qui peut être un rôle qui te plaît beaucoup. Ce qui compte, c’est de pouvoir sortir de ce rôle. 


Tu es très grande, comment as-tu appréhendé cela ?


Je dois être la plus grande de la famille, je fais la même taille que mon père : 182 cm. Ma mère mesure 171 cm donc pour leur génération, ce sont des grandes personnes. J’ai peut-être un peu souffert de cette taille à mes 11 ou 12 ans, car j’ai très rapidement atteint cette taille. Mais ensuite, assez rapidement, j’avais mon petit cercle d’amis, je faisais partie du clan de ceux qui jouent aux cartes assis en tailleur et qui vont au collège en lisant un bouquin. Je faisais partie des "weirdos" ou rats de bibliothèque. Ce qui est compliqué quand tu es adolescent, c’est lorsque tu veux changer, vouloir être dans le clan des personnes cool. Moi j’étais bien dans mes baskets, je n’avais pas envie de changer de clan, je lisais Harry Potter, j’avais des lunettes et des bagues et dans mon groupe d’amis, on ne se jugeait pas du tout. On avait tous nos petits problèmes et c’était cool. Ma taille n’est pas du tout un problème, j’ai l’impression que cela a été guidé par mon arrivée à Paris, c’est vrai que lorsque j'habitais à Lyon les gens se retournaient un peu plus ou faisaient des commentaires dans la rue, mais à Paris, tu es beaucoup plus anonyme. Ma taille ce n’est pas sujet et ce n’est pas un sujet pour les vêtements non plus. Ce n’est pas un souci aujourd'hui parce que je suis mince. Aujourd’hui, si tu fais un 46 ou 48 c’est compliqué, tu ne peux pas t'intéresser à la mode de la même façon. J’ai une de mes amies qui fait une taille 48, et parfois, je lui parle de certaines marques, mais elle me reprend en me disant qu'elle ne s’y intéresse pas car la marque en question ne va que jusqu’au 40. Donc, même son goût s’est développé différemment, elle a un look que j'adore, un peu fifties, rockabilly avec des jupes crayon, mais c’est parce qu’elle achète ses vêtements en ligne chez de retailers américains. Elle ne sera jamais une fille Jacquemus et c’est un problème. Je pense que mon goût a aussi été forgé par le fait que j’ai accès à toute la mode, parce que je fais un 36.


Tu as enquêté sur le sujet du sizing dans la mode ? 


Je n’ai pas enquêté de façon journalistique, mais je m’y intéresse. J’avais beaucoup suivi le travail d'Ester Manas, qui propose des vêtements qui s’adaptent à toutes les morphologies. Par exemple, sur une jupe, il va y avoir une série de boutons décoratifs, mais qui finalement permettent de resserrer la jupe et qui permettent d’aller du S au XL. Je n’ai jamais essayé ses vêtements, mais je trouve la démarche intéressante. Je vois aussi les efforts de certaines marques pour faire des vêtements qui sont plus inclusifs. Par contre, ça me dérange toujours quand il y a une ligne “plus size”, comme si les goûts allaient être différents. Je comprends qu’il y ait des coupes différentes, mais faire une ligne “plus size” c’est bizarre. Je crois que chez Mango, qui n’est pas une marque que je porte, ils avaient une ligne “plus size” qui s’appelait Violeta by Mango, qui commençait au 40. Maintenant, la ligne n’existe plus, elle est intégrée à ligne de vêtement principale. Le sizing c’est quelque chose qui m’intéresse vraiment, j’ai des amis de toutes tailles et de tout type de corps et je trouve cela fou qu’ils ne puissent pas s’habiller comme ils l’entendent. 


On passe à ton monde extérieur, parle nous de l’endroit où l’on se trouve.


Le monde extérieur


Nous sommes dans les bureaux de PLUME qui est mon agence de rédaction et de conseil en stratégie éditoriale. D’ailleurs, chez RÉUNI, vous n’avez absolument pas besoin de nos services, car vous écrivez très bien et votre storytelling est top. Nous accompagnons majoritairement des marques de mode, parce que c’est le monde d'où je viens, mais nous avons aussi des clients dans la tech, la gastronomie, le voyage. Le lifestyle en général. Nous les accompagnons dans leur prise de parole pour rédiger leur texte. Nous sommes dans le 20e arrondissement, dans un espace extrêmement haut de plafond, je crois qu’il y a entre 3 et 4 mètres de hauteur sous plafond. Il y a d’immenses baies vitrées sur l’intégralité de la façade, il faut s’imaginer une sorte d’atelier new-yorkais mais à Paris. L’après-midi au printemps, lorsque le soleil rentre dans le bureau, c’est orange, lorsque le soleil se couche, c’est rose. Il y a une série de bureaux dont les miens, c’est en espace en partie partagé, avec Séga qui vient d’arriver et qui est sapeur, il crée des contenus et des podcasts. Il y a aussi Bruno qui est illustrateur, Jimmy qui est agent immobilier et puis il y a mon équipe et moi qui rédigeons des textes. 


Très hétéroclites.. 


Oui, c’est une joyeuse bande. Souvent, lorsque nous sommes au bureau, c'est très studieux. Nous sommes rarement tous ensemble. Toute mon équipe est au travail depuis le mois de décembre, donc l’ambiance n’est pas la même. C’est un espace dans lequel je me sens hyper bien, j’adore être ici. 


Quel est l'endroit que tu préfères dans ton bureau ? 


C'est le siège dans lequel je suis assise. J’ai chiné une paire de fauteuils Pierre Paulin, les Concorde, ce sont les fauteuils qui étaient installés dans les salons luxe du Concorde dans les années 60 ou 70 ou 80… En tous les cas, c’est vintage. Pierre Paulin avait réalisé une version avec un siège haut et une version un siège bas, moi j’ai la version haute. J’en ai acheté deux, il y en a un chez moi et un au bureau. C’est l’endroit que j’aime bien, car je suis proche du chauffage l'hiver, proche de la lumière et j’ai une vue sur tout le bureau. Mais, la majorité du temps je suis à mon bureau, devant l'ordinateur dans mon siège à bascule. C’est un siège qui te permet d'être plus gainée. Il vient de chez Varier, ils ne font que des sièges ergodynamiques. Par exemple, ils ont sorti une chaise où tu peux être à la fois assis, à moitié allongé et totalement allongé pour faire une sieste avec un système de crans que tu déplaces. 


Quels sont tes outils pour travailler ? 


Mon ordinateur, un carnet de notes Moleskine, toujours le même, et j’alterne entre le bleu et le noir. Stylo et carnet sont essentiels, je note des idées, quand je rentre chez moi, je le mets à côté de mon lit, car j’ai des idées la nuit. J’ai mon ordinateur fixe au bureau et un ordinateur portable. 


Comment choisis-tu tes clients ? Tu disais tout à l’heure que tu avais le luxe de pouvoir choisir tes clients… 


J’ai le luxe de pouvoir dire non, c’est différent. Je ne les choisis pas, car jusqu’ici, le bouche à oreille a extrêmement bien marché. Nous avons un site très mystique où l’on peut accéder à nos réalisations uniquement sur mot de passe. Je ne sais pas à quoi cela est dû, c’est peut-être encore cette histoire de pudeur. Donc ce sont des marques qui vont nous contacter pour un projet et nous les accompagnons sur leur charte éditoriale, le “ton of voice”, la production de contenus. 


Comment est-ce que l’on trouve son ton of voice ? 


Ce n’est pas facile, il faut vraiment se plonger dans l’univers du client. En général, on rencontre les fondateurs, on discute avec eux. Il faut que l’on sache quel est l’ADN du client. Une fois que nous avons cela, nous pouvons construire une ligne directrice avec des types de phrases, des types de verbes, les thématiques à explorer, les accroches. Nous donnons des exemples très concrets pour qu’ensuite via cette charte, on puisse savoir s'approprier le ton et savoir comment écrire. Ce n’est pas évident, car c’est se mettre dans la tête de quelqu’un, parler à sa place de la bonne façon et donner une personnalité via des mots. 


Qu’est ce qui t'amuse dans ton métier ? 


Tout, vraiment tout. J’adore travailler avec mon équipe, j'apprends des choses tous les jours, tous les sujets sur lesquels je travaille sont différents et cela permet de vraiment rentrer dans plusieurs univers de marque. On apprend tous les jours et on se réinvente tout le temps, car on s'adapte à la façon de travailler de nos clients. Tout m’amuse et je sais que c’est une chance, lorsque je me réveille le matin, j’ai hâte d’aller travailler. 


Est-ce qu’il y a des choses que tu n’aimes pas dans ta vie, ton quotidien ? 


Il y a des choses sur lesquelles je travaille. J’aimerais arriver à trouver plus de temps pour moi, mieux me définir en dehors du travail, me présenter en tant que personne en dehors du travail et prendre du temps pour moi. J'ai décidé que tous les samedis du mois de janvier, j’allais faire quelque chose qui me ferait du bien, toute seule. 


Tu fais quoi par exemple ?


La semaine où je suis rentrée de Portland, j’ai fait un massage. Je dis toujours que j’aime bien les massages, et finalement je n’en fait jamais. Je réalise que la vie ce n’est pas du tout nos projections, c’est le quotidien. Je peux me bercer d'illusions en me disant que j’adore les massages et passer du temps avec ma famille, mais si je fais le bilan de ma vie, c’est plutôt travailler, faire du sport, boire un verre avec des amis. Je n’explore pas du tout les choses qui sont censées me faire plaisir et me faire définir. 


Tu es allé où pour faire ton massage ? 


Je suis allée chez Oh my Cream, ils ont ouvert un studio dans le 3e arrondissement. Dans deux semaines, je vais me faire poser des faux-ongles incroyables avec des motifs. 


Tu t’occupes de toi… 


Je m’occupe de moi et je fais des choses que je n’ai pas besoin de faire avec des amis. Le week-end dernier, je me suis offert un super petit-déjeuner au Bristol, j’ai mangé des pâtisseries toute la matinée. 


 À Paris, c’est un vrai avantage de pouvoir se rendre dans ces établissements, c’est aussi ce qui fait voyager, c’est une vraie expérience… 

 

Je précise que je ne vais pas au Bristol tout le temps, j’ai des goûts plutôt simples, mais lorsque j’y suis allée la semaine dernière, j’avais l’impression d’être au théâtre. Le personnel a une manière de poser les questions qui donne l'impression que l’on ne va jamais payer. Il y avait Arielle Dombasle qui buvait du thé et il y avait Arthur aussi. C’est trop bizarre. Mais en fait, c’est ouvert à tous et on peut y boire son café. 


Tu es une grande voyageuse, quelle est ta relation au voyage ? 


J’ai la chance d’avoir grandi dans une famille où l’on a beaucoup voyagé, dans des gîtes, dans des auberges. Nous avons beaucoup voyagé en France et pour moi, ça a rapidement été normal de voyager. Aujourd’hui, c’est quelque chose d’important, j’essaye de partir l’été. Avec le Covid, il y a eu quelques freins, je devais partir au Cameroun pendant trois semaines en 2020 et je n’ai pas pu. En 2021, j’ai fait le choix d'aller en Italie. Puis, finalement, l’an dernier, j’ai reprogrammé le voyage au Cameroun, je pars en février. J’ai choisi le mois de février, car ma logique, c’était de me dire que les mois de septembre et octobre, c’est la rentrée et on retrouve les copains, novembre, c’est mon anniversaire, décembre, c'est Noël, janvier, c’est la déprime totale mais je prépare mon voyage, février je suis au soleil et mars c’est le redoux en France. J'aime beaucoup voyager et j’ai aussi eu l'opportunité avec mon travail de beaucoup voyager donc je suis habituée à aller très loin, je n'ai aucun stress, je me sens bien à l’aéroport, je suis vraiment détente. 


Pourquoi as-tu choisi le Cameroun ? 


Ma mère est d'origine camerounaise donc je suis attachée à ce pays. Cela fait 16 ans que je n’y suis pas allée et c’est la première fois que j’y vais sans membre de ma famille, j’y vais avec deux de mes meilleures amies, qui ne sont jamais allées au Cameroun, nous allons découvrir le pays ensemble, j’ai vraiment hâte. 


Tu as fait des voyages en vélo aussi…


Oui, il y a quatre ans, je suis allée en Colombie avec mon amie Marion, en rentrant, on s’est dit que notre bilan carbone était catastrophique et que l’on ne pouvait pas repartir aussi loin. On s’est demandé comment être zéro carbone, on s’est dit que le vélo était une bonne idée. Nous avons relié Bordeaux à Biarritz, en une semaine, en faisant du bivouac. On dormait dans des champs, cachées à côté d’une plage ou au milieu de la forêt. 


Qu’est-ce que cela vous a appris ? 


Ça a changé ma vie. Avant, je ne faisais pas du tout de vélo. Ça a changé mon rapport au corps, mon rapport à l'effort. Tu te rends compte que ton corps te porte. À la seule force de nos jambes, nous avons fait 280 km. Nous ne nous étions pas entraînées, nous avions de grosses sacoches et moi, j'avais un vieux vélo hollandais. Nous avons vu la France de façon totalement différente. La France, ce n’est pas du tout des grandes villes, il n’y a que des villages. Nous avons rencontré plein de personnes, avec qui nous avons discuté. Et depuis, nous partons tous les étés, pendant une semaine, pour découvrir une région. Nous avons découvert la Bretagne en partant de Quimper jusqu’à Belle-Ile-en-Mer. L’an dernier avec mon autre amie Manon, nous avons découvert l'Auvergne en traversant tout le parc naturel du Livradois- Forez. Ça monte tellement, c’était terrible. Lorsque l’on est arrivé en Auvergne, il y avait un temps sublime et on a très bien mangé. 


Qu’est-ce que c’est l’art de vivre pour toi ? 


Je n’ai pas d’art de vivre. J'essaye de vivre le mieux possible, de passer du temps avec mes proches, surtout du temps de qualité, partager des choses ensemble, vivre des choses ensemble. Je l’adapte tous les jours et j'essaye d’avoir un art de vivre au quotidien, je ne peux pas définir un art de vivre au global. 


Tu prends du temps pour toi, tu voyages, comment tu arrives à organiser cela ? 


C’est nouveau, et en ce moment, je suis dans un rythme de travail important pour pouvoir partir trois semaines. Aujourd'hui, j’ai 30 ans, et je pense que nous n’avons pas deux fois l’occasion d’être en bonne santé, d’avoir de l'énergie et des capacités financières, donc plutôt que de toujours courir pour avoir plus, je prends du temps pour voyager. Je peux le faire, car aujourd’hui, l’équipe est prête, mais au début du lancement de l’agence, les deux premières années, je n’ai pas pris de vacances, je travaillais tout le temps. 


De quelle personne souhaiterais-tu découvrir le monde ? 


J’aimerais découvrir le monde de Séga qui travaille dans les mêmes bureaux que moi. Séga a une approche du vêtement carrée. J’aime beaucoup l'idée d’avoir un homme qui vient de parler de vêtements, alors que chez RÉUNI, c’est uniquement féminin. Mais finalement, vos vêtements sont genderless, donc ça peut fonctionner, et je verrais bien Séga en cardigan. J’aimerais bien avoir son point de vue sur la mode féminine, les tissus, la co-création. 


Références :


Le compte Instagram de Laurianne Melierre : https://www.instagram.com/laurianneme/?hl=fr

Le compte de son agence PLUME : https://www.instagram.com/plume_redaction/?hl=fr

Le podcast “Manger” animé par Laurianne Melierre : https://louiemedia.com/manger 

Miista, la marque de chaussure londonienne : https://www.miista.com/

Ester Manas, la marque de vêtement qui s’adapte à toutes les morphologies : https://estermanas.com/ 

Variér, les sièges ergodynamiques : https://www.sediarreda.com/fr/stores/varier

Le compte Instagram de Sega : https://www.instagram.com/abou_sega/?hl=fr 


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