Le Monde de RÉUNI explore l'univers, le parcours et les points de vue d'artisans, d'artistes, d'entrepreneurs, de personnalités des industries créatives et culturelles qui contribuent à la préservation et à la valorisation des savoir-faire et qui influencent d'une manière ou d'une autre notre esthétique et notre art de vivre.
Il y a comme un air d’élégance qui se balade rive gauche… Du beau, du bon et du chic, voilà ce qui a convaincu Marie-Paule Minchelli à ancrer ses racines dans le 15e arrondissement. Dans son appartement typiquement haussmannien, c’est là qu’elle trouve ses ressources créatives, ses adresses de voyage ou encore le thème de son prochain dîner. La lumière y a toute son importance quand on sait que la Directrice du studio de création chez Eres passe son temps à choisir entre couleurs et matières.
Le 19M, nouveau berceau de la création et des savoir-faire du groupe Chanel est lui aussi inondé de lumière. C’est derrière ces grandes vitres que fusent les idées pour les prochaines collections de la marque de luxe de lingerie et de maillots de bain, le tout coordonné avec une grande précision par Marie-Paule. Avec une telle diversité de corps de métiers et ces grands espaces dotés d’innombrables boîtes d’échantillons de tissus et d’archives, son quotidien est digne d’un rêve pour tout créatif.
Au détour d’une balade au Bon Marché, Marie-Paule nous partage ses écrins de beauté qui ponctuent ses journées.
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Marie-Paule, pourrais-tu te présenter et dire où nous sommes ?
Je suis Directrice des collections et du studio chez Eres depuis 13 ans. Nous sommes dans mon appartement parisien situé dans le 15e arrondissement.
Comment as-tu atterri dans ce quartier ?
C’est une longue histoire. Je suis née à La Rochelle et j’ai atterri dans le 15e dans les années 70. J’ai fait ma maternelle ici. C’était très familial et à l’époque il y avait beaucoup d’immeubles très modernes en construction. Mon père Paul Minchelli est un grand cuisinier qui avait le restaurant Le Duc dans le 14e.
J’imagine que tu as dû déménager à plusieurs reprises. Tu as toujours habité dans le 15e ?
Oui, mes parents habitaient là. Puis j’ai eu un autre appartement et tout s’est accéléré parce que je suis quelqu’un de très fidèle dans tous les domaines. Je suis depuis longtemps chez Eres, tout comme dans cet appartement. Il a grandi avec ma famille. Au début, j’ai eu une première fille qui a aujourd’hui 30 ans, puis deux garçons. On a commencé par avoir une partie de l’appartement puis on a récupéré l’appartement d’à côté.
Qu’aimes-tu en particulier dans ce quartier ?
C’est très familial, il y a de super écoles et des parcs. J’aime que la vue soit dégagée. Je suis proche de l’aéroport d’Orly où je vais souvent parce que je pars en Corse assez régulièrement. Je suis proche également du VIe et VIIe que j’adore. Je passe rarement de l’autre côté de la Seine (rires). Le 15e c’est aussi beaucoup de commerçants. J’adore manger et il y a de bons fromagers, de beaux marchés… J’aime cette vie de quartier qui n’est pas abîmée par toutes les chaînes de magasins que l’on peut trouver par ailleurs dans Paris.
On est dans quelle pièce ?
Dans le salon et salle à manger qui est une pièce qui vit beaucoup parce que j’adore faire des dîners. On a un immeuble très sympa où tout le monde se connaît et s’invite. On peut tous compter les uns sur les autres et le fait que les enfants aient grandi ici, c’est comme une petite communauté. J’aime beaucoup cet espace parce qu’il a été témoin de beaucoup de joie.
Comment l’as-tu agencé et décoré ?
C’est éclectique parce que j’achète des objets que j’aime, je ne suis pas de mode de décoration. J’adore chiner aux puces de la Porte de Vanves tout particulièrement et dénicher des objets. Je suis un peu monomaniaque. Je vais avoir ma période des carafes, des céramiques, du rose… C’est sûrement influencé par mon métier et j’achète aussi au cours des voyages. Je rapporte des objets de différents endroits. Chaque pièce a vraiment une histoire. Si je regarde un objet, je vais me rappeler de l’endroit où je l’ai acheté. Il faut qu’il y ait une histoire.
Qu’est-ce qui attire ton regard sur un objet ?
Ça peut être la couleur, la forme, l’utilité, l’esthétique… Par exemple ce fauteuil Airborne, j’adore le mouton, je ne m’en lasse pas. Donc il s’agit de la beauté de l’objet et de la douceur.
Est-ce que ces objets correspondent à ta personnalité ?
Oui totalement.
Comment on te décrit ?
Je ne sais pas (rires) ! On dit que j’ai beaucoup de goût et que j’ai l'œil. On ne me dit peut-être pas tout (rires)…
Est-ce qu’il y a des objets que tu affectionnes tout particulièrement ?
J’aime beaucoup les livres de mode, de cuisine et les magazines. Le dernier livre que j’ai eu parle de Slavik, un décorateur des années 70 que j’ai connu. C’est un ami de mon papa qui a décoré son restaurant. J’aime beaucoup cette période, c’est lui qui a fait le drugstore des Champs Elysées.
Qu’aimes-tu dans ces années-là ?
J’ai aimé l'insouciance, la mode de cette époque, les couleurs, les formes et la liberté. Une forme de modernisme et de douceur.
Quel était le style de tes parents et en quoi ça t’a influencé ?
C’était assez anglais car mon père travaillait à Londres et on y a habité. Il y avait des papiers-peints et des boiseries.
Est-ce que tu as gardé cet esprit anglais ?
Dans mon souvenir oui mais je pense que dans ma décoration non. J’adore ces papiers-peints embossés, il y a un côté chic et c’est plutôt ce ça que j’ai gardé.
On passe dans la salle à manger, avec une grande table, une bibliothèque, il y a plein de livres, de bibelots et une obsession pour le vert…
Oui c’est ma période vert. Ça fait partie de ce que je chine. J’adore décorer quand je fais des dîners. Je fais des thèmes quand j’accueille. J’adore aussi cuisiner, ça m’arrive de faire des dîners où tout est rose ou vert.
Es-tu une bonne cuisinière ?
Je pense… J’ai beaucoup regardé mon père, qui est spécialisé dans le poisson. C’est un peu intuitif. Mon fils aîné est cuisinier aussi.
Tu as une spécialité en cuisine ?
Non, je fais plein de choses. Je suis moins bonne en desserts. J’aime bien l’exotisme, regarder les livres de cuisine que j’ai en grand nombre. Il y a le livre de mon père que je consulte quand je veux faire du poisson.
Qu'est-ce qui fait un dîner réussi ?
C’est l’osmose. Déjà les gens qui sont conviés font une grande part, si on rigole c’est le principal donc je dirais qu’il faut qu’il y ait avant tout une alchimie entre les gens.
On peut aller dans la cuisine, qui est assez grande…
En effet, c’est une grande cuisine parce que j’ai trois enfants donc on cuisine beaucoup. J’y ai passé beaucoup de temps, j’en passe un peu moins car les enfants sont presque tous partis. Il y a ce petit coin repas très sympa où j’ai aussi fait des dîners. C’est le premier endroit où tout le monde se retrouve le matin, c’est un endroit de vie où on passe beaucoup de temps. Il y a beaucoup de choses, par exemple j’aime beaucoup cette carte de vœux de Pierre Hermé dessinée par Soledad dont j’aime le travail, avec la recette du gâteau au chocolat, pas diététique mais très très bonne (rires).
Que penses-tu avoir transmis à tes enfants et comment as-tu éduqué tes enfants ?
Beaucoup de choses. Comme on dit, c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Chaque enfant est différent et chaque période l’est aussi. J’ai eu Charlotte à 24 ans donc quand on a ses enfants à différents âges, ce n’est pas la même chose. C’est difficile de répondre à cette question…
Comment on transmet les valeurs qu’on a envie de transmettre ?
C’est intuitif. On essaye de faire au mieux. J’avais envie de leur transmettre l’ouverture d’esprit, la curiosité. Je reviens toujours à la nourriture mais il faut toujours goûter. On a toujours fait des voyages tous ensemble en famille. Je suis maman poule donc j’aimais bien les avoir auprès de moi pour partager et ne pas faire rater quelque chose à quelqu’un.
Quel est le plus beau voyage que vous ayez fait ?
L’Inde était un très beau voyage. On a visité les États-Unis plusieurs fois, Copenhague… On a essayé de les ouvrir sur différentes cultures et de les nourrir. Avant on ne pouvait pas voyager aussi facilement, aujourd’hui c’est plus simple de se rendre compte où on va avec internet. J’avais aussi envie qu’ils aient les bagages suffisants donc ils ont toujours fait les études qu’ils souhaitaient. Ma mère m’a toujours dit que je passais beaucoup de temps à mon travail donc il fallait que je fasse quelque chose qui me plaît. C'est aussi ce que j’ai dit à mes enfants car on passe beaucoup de temps à son travail. Je leur ai appris le goût des choses. Ma fille a pris de mon côté mode. Au niveau culturel, on a fait des expositions et quand on voyageait on visitait aussi des musées.
Là, on est dans ta chambre...
C’est une suite parentale, avec un dressing parce que j’aime bien la mode. Je suis souvent seule dans cet espace donc c’est assez agréable. C’est un endroit où je me sens bien, il y a une luminosité qui est agréable.
Quelle relation as-tu avec les vêtements ?
J’adore les vêtements. Je suis à l’image de ma décoration : très éclectique. Je ne suis pas fidèle à une marque (sauf à Eres bien entendu !), j’achète les choses qui me plaisent. Je pense qu’il faut faire par rapport à sa morphologie et son âge.
Qu’est-ce qui t’attire dans un vêtement ?
Comme pour les objets, la couleur, la matière, la forme…J’aime beaucoup les accessoires, les chaussures, les sacs et les bijoux.
Il y a des choses qui ne te vont pas ?
Je n’aime pas les pièces moulantes.
Si tu ne devais garder qu’une seule pièce ?
Impossible de choisir. Mais la seule chose que je ne quitte pas, c’est ma médaille.
Quelle est son histoire ?
C’est une broche qui était dans la famille que j’ai fait monter en médaille. Elle n’a pas de souvenir en particulier mais elle m’évoque la transmission, elle est unique. À chaque fois que je la porte, on me dit qu’elle est jolie. Elle a un côté un peu romantique et elle est biface. Elle ne me quitte jamais.
Quel est ton endroit préféré dans ton appartement ?
Justement, ma chambre ! J’y passe la plupart de mon temps. Il y a de l’espace et je réfléchis beaucoup parce que je peux me retrouver seule.
Tu réfléchis à quoi ?
À mon travail. Je peux m’isoler, dessiner… C’est un peu mon bureau. C’est sûrement l’endroit qui me ressemble le plus avant ma cuisine.
Quelles sont tes sources d’inspirations ?
Ça va être par les magazines ou les documentaires. Depuis le confinement j’arrive à partir plus souvent en Corse. C’est un lieu de nettoyage de la rétine, parce qu’il n’y a aucune pollution visuelle, je suis dans le maquis il n’y a que des arbres et le silence, c’est mon deuxième rêve d’être au calme. Ça met une parenthèse parce qu’on est coupés et ça fait du bien.
Tu as trouvé ton équilibre en partant souvent en Corse ?
Oui !
On est dans une ville violente…
Oui de plus en plus je trouve.
On est submergé par les images… Je ne sais pas si tu passes beaucoup de temps sur les réseaux sociaux et Instagram ?
Non, il y n’y a rien dessus. Il y en a un autre géré par ma fille qui s’appelle @imetesoru qui est dédié à la décoration et aux petits objets en dehors de mon quotidien. Je ne suis pas de cette génération. Je ne suis pas beaucoup de gens et je n’ai pas envie de me mettre dans cette dynamique de poster.
As-tu des auteurs, réalisateurs fétiches ?
Non parce qu’encore une fois, je suis éclectique. Cela dépend des périodes. J’aime regarder beaucoup de livres de mode et de décoration mais je n’ai pas d’obsession.
Tu as plein de coupures de magazine…
Oui ça c’était mon obsession. Quand on voyageait, je gardais toutes les parutions sur les endroits qu’il fallait voir. Quand je pars en voyage il faut que j’étudie tout pour ne pas louper la pépite, le magasin, le restaurant… En général quand on a bien étudié, le voyage se passe mieux. Je ne suis pas arrivée dans un endroit sans connaître le pays ou la ville. Il faut que j’ai déjà scanné tout ce qu’il y a pour gagner du temps et passer un meilleur moment. Je suis incapable d’arriver avec un sac à dos et de me dire que je vais rentrer dans le premier truc.
Tu es très organisée…
Oui ! On dit ça de moi d’ailleurs. Il n’y a pas d’improvisation même si ça peut arriver, mais parce que je suis contrainte.
On peut aller voir la salle de bain…
Alors on en a deux, une pour les filles et l’autre pour les garçons. Dans la première il y a plein de bijoux, un tableau de Soledad que j’adore avec l’histoire du shopping et le sac Eres.
Je te propose qu’on revienne sur ton parcours dans le taxi vers Le Bon Marché.
Le Monde Extérieur
Nous voici maintenant dans le taxi. Où nous emmènes-tu ?
Au Bon Marché, mon magasin préféré !
Pourquoi aimes-tu ce magasin ?
J’aime tout, son histoire est très belle. Tout ce qui a été créé à l’époque pour le personnel, c’est vraiment magique. Il évolue tout en gardant son esprit avec son architecture. Il est resté dans son jus. J’avais une grand-mère et une mère très élégantes. Ma grand-mère paternelle m’emmenait à la Samaritaine, un magasin magnifique avec ses boiseries. J’ai l’impression d’être dans une confiserie, ça me faisait rêver. Pour revenir au Bon Marché, j’adore La Grande Épicerie, on trouve plein de choses qu’on ne trouve pas ailleurs. Il y a une ambiance où je me sens très à l’aise.
Tu parlais d’histoire, on pourrait revenir sur ton parcours et sur ce qui t’a amené dans le monde de la mode.
J’ai toujours aimé ça, quand j’étais petite je faisais des vêtements pour mes Barbies et mes poupées. Je dessinais même des vêtements dans les livres. J’ai encore un livre avec des chats où ils sont tous habillés. J’ai toujours eu ce côté très manuel. Je touchais au tricot, à la broderie, la couture, la cuisine… Je me suis plutôt orientée vers des études artistiques et littéraires. J’avais des cours de dessin d’architecture, de nu, de nature morte avec aussi des cours sur l’histoire de l’art. J’hésitais entre deux choses, soit la mode soit la décoration. J’ai été prise à l’ENSAAMA mais j’ai choisi ESMOD. J’y ai passé trois ans en spécialisation femme. C’était le début de la conception assistée par ordinateur, mais ce n’était pas mon truc. J’ai eu mon diplôme et j’ai fait un très long stage chez Chantal Thomass. Je suis passée par tous les services, le studio, le commercial, la presse, ça a été très formateur et j’ai été engagée par la suite au studio. A l’époque Chantal Thomass il y avait beaucoup de licences, donc j’ai fait des tapis, des chaussettes avec Doré Doré pour les enfants, des chaussures, des parapluies… J’ai touché à tous les corps de métier. Les défilés avaient lieu à la Cour Carrée avec des tops models, c’était des années vraiment chouettes.
C’est vrai que Chantal Thomass était bien sur le devant de la scène…
Oui pendant les années 90, c’était en même temps que Mugler, Montana, Christian Lacroix, Jean-Paul Gaultier, toute cette mouvance légère. On travaillait jour et nuit, les week-ends, c’était un autre temps mais je le referais sans problème !
Qu’est-ce qui s’est passé par la suite ?
J’ai travaillé chez Princesse Tam Tam pendant une dizaine d’années. J’ai toujours pris les opportunités comme elles venaient. J’étais responsable de la deuxième ligne chez Chantal Thomass qui s’appelait La Suite en prêt-à-porter. J’avais fait un peu de lingerie mais ce n’étais pas mon cœur de métier. Chez Princesse Tam Tam j’ai commencé par les pyjamas et petit à petit je suis devenue Directrice du bureau de style à m’occuper de toutes les lignes confondues jusqu’au rachat. J’ai eu l’opportunité de pouvoir partir chez Eres, c’est ce que j’ai fait et j’en suis ravie.
Comment ça s’est fait ?
J’ai travaillé pendant une dizaine d’années avec Valérie Delafosse, la Directrice artistique de Princesse Tam Tam, elle est partie chez Eres et comme on s’entendait bien elle m’a proposé de la rejoindre. J’ai rencontré Bruno Pavlovsky, le président de Chanel et le PDG d’Eres avec qui je me suis entretenue. J’ai trouvé l’approche très intéressante. Pour moi c’était l’élite du métier. Dans les voitures, il y a les Rolls, dans les montres il y a Rolex et dans le maillot c’est Eres. J’étais très fière de pouvoir intégrer cette magnifique maison. C’est très enrichissant. Je suis beaucoup plus dans la sensibilité des savoir-faire, je trouve qu’il y a des personnes qui sont dans l’ombre et qui font un métier formidable. Il y a des émulsions qui se passent.
On peut dire que tu es ambitieuse dans la vie ?
Non, je dirais plutôt que je sais ce que je veux. Je ne me suis jamais dit que je voulais être Directrice. Je pense que c’est une question de travail et de savoir ce que je veux. C’est ce que je fais tous les jours en choisissant des couleurs ou des imprimés.
C’est un métier qui demande de faire des choix…
Comme disait Loumia Amarsy , la fondatrice de Princesse Tam Tam : Choisir c’est renoncer. C’est une phrase que je me dis tous les jours.
Quel est ton titre ?
Je suis Directrice de studio mais je suis aussi Directrice de la création. J’encadre aussi l’équipe de modélistes ce qui est important dans notre métier parce que mon équipe c’est ma famille. Elles sont toutes superbes avec des profils différents et un savoir-faire exceptionnel. C’est toute ensemble qu’on arrive à donner cette patte et cette rigueur à chacune de nos collections.
J’ai l’impression que ton métier est à la fois de la création et du management…
Oui, j’ai toujours dit que je n’étais pas que styliste. J’ai travaillé dans différentes branches de la mode et en touchant à toi je connais plusieurs métiers. Faire un modèle c’est une chose, mais ensuite il faut savoir le mettre en valeur et savoir s’il a plu. Je trouve qu’être styliste ce n’est pas seulement dessiner, mais tout ce qui accompagne le produit.
On arrive bientôt au Bon Marché. Qu’aimes-tu dans ce quartier ?
Je trouve que c’est très commerçant pour un quartier qui est central. Il y a de beaux immeubles, de belles boutiques et c’est chargé d’histoire.
Et les gens sont très élégants ! On s’inspire de la rue finalement..
Avant nos bureaux étaient dans le IIe rue de Charonne, je ne connaissais pas du tout ce quartier qui est un peu loin du 15ème mais je l’aime beaucoup. Il y a des cafés, des restaurants et des boutiques très sympas. Je pense qu’on aime un quartier par affinité de ce qu’on a vécu.
On est à l’étage lingerie devant le stand Eres, j’imagine que tu viens souvent ?
Oui, à chaque fois je passe sur le stand. J’aime bien regarder les clientes, leurs choix, le merchandising et l’effervescence dans le magasin.
Quel parcours fais-tu quand tu viens ici ?
J’aime bien m’arrêter pour voir les expositions, on participe d’ailleurs à quelques-unes d’entre elles. Au moment de Noël, il y a des petits créateurs, la galerie imaginaire où on découvre des marques. J’aime beaucoup la Grande Épicerie, même si on a besoin de rien acheter on a toujours envie d’acheter ! Tout est bien rangé, ça donne envie, notamment leurs pains à la boulangerie. Parfois je vais chercher un petit cadeau pour une amie.
On se balade un peu…
En face, il y a la Maison avec le stand Caravane que j’adore. La maison donne au rez-de-chaussée sur l’Épicerie.
On part à la Grande Épicerie.
Depuis que je connais le Bon Marché, il y a eu beaucoup d’évolutions. J’aimais beaucoup quand mes enfants étaient petits car il y avait un stand pour les enfants avec des jouets.
On arrive à la Maison, on a envie de tout acheter…
On va se retenir. Il y a toujours de superbes décorations, là cette année c’est Monsieur Pain d’Épices. Tout est beau, du merchandising aux sacs de shopping où on retrouve les rayures du sac sur les hanses.
As-tu des designers fétiches ?
J’aime bien Charlotte Perriand mais sinon, pas spécialement. Je vais acheter un objet parce que je l’aime et que je le trouve beau mais pas parce que quelqu’un l’a signé.
Tu n’es pas collectionneuse ?
Oui mais pas dans le but d’avoir une pièce signée. Je collectionne ce que j’aime.
Il y a quelques points de restaurations au Bon Marché… En as-tu un de prédilection ?
J’aime beaucoup Rose Bakery. Je l’ai connu à ses débuts Rue des Martyrs. C’est une cuisine que j’affectionne car c’est sain et le thé est bon.
On arrive à la Grande Épicerie…
J’adore venir ici car on trouve de l’eau Corse. Il y a la Saint Georges que j’affectionne particulièrement et en pétillante il y a l’Orezza.
Elle a vraiment un goût ?
Oui elle est meilleure que toutes les autres !
Il y a à la fois du luxe et quelques produits accessibles…
Quand je viens ici, il y a un rayon fromages qui est super. À chaque fois qu’on passe devant le rayon olives on a envie d’en manger. C’est plutôt pour des choses particulières que l’on vient ici.
Quel est ton pêché mignon ?
J’en ai plusieurs… Des huiles d’olive, du chocolat, de la truffe et du foie gras. Je trouve les packaging du Bon Marché très joli.
Où sommes-nous à présent ?
Nous sommes à Aubervilliers au 19M qui est le nouveau bâtiment de l’architecte Rudy Ricciotti terminé en Mars 2021 qui regroupe toutes les Maisons d’Art de Chanel. On a la grande chance de faire partie de cette belle maison et de se retrouver dans ce lieu très créatif.
Explique-nous le concept de Maison d’Art.
Ce sont des maisons regroupées qui ont un savoir-faire tous différents et vraiment magnifiques. On trouve des artisans qui brodent comme le brodeur Lesage ou Lemarié parmi tant d’autres. On a aussi les plissés de Lognon, les bijoux Goossens, les chapeaux Maison Michel qui travaillent autour de la Haute Couture grâce à leur savoir-faire.
Tu passes beaucoup de temps dans ce studio ? Comment est-il agencé ?
Oui, tout est ouvert parce que je n’aime pas l’esprit cloisonné. J’ai toujours une oreille qui traîne. Ce qui est important c’est que tout le monde soit au courant de ce qu’il se passe. L’idée, c’est que l’on travaille ensemble, en équipe, ce qui est le cas. On bouge beaucoup, on va chercher des tissus, on va se voir les un les autres donc c’est un échange continu. On a besoin d’être dans cet espace ouvert qui est assez grand et lumineux ce qui est très important pour notre travail sur la couleur.
Qu’est-ce qu’on y trouve ? Il y a plein de portants, des pots avec des couleurs, des moodboards, un vrai studio de mode !
Il y a des bocaux de couleurs où on garde des échantillons et des boîtes qui sont remplies de trésors de fabricants. Quand on cherche une pièce, un agrafage, une boucle, c’est important d’avoir des archives. C’est une vraie mine d’or. On a aussi tout ce qui est prototypes. On a différentes collections et différentes saisons. Dans cette pièce on a quatre saisons : la saison en cours, celle de l’été, l’hiver prochain et l’été 2023.
Comment travaillez-vous ? Il y a plein de corps de métiers dans un seul et même endroit…
Il y a l’atelier juste à côté. Je peux dessiner un modèle et avoir le prototype le lendemain et c’est une grande chance. Tout prototypage est fait ici jusqu’à la mise au point de l’article. C’est ce qui nous permet d’avoir quelque chose de rigoureux et de travailler le produit dans les moindres détails. Dans le luxe, l’intérieur est aussi important que l’extérieur. C’est ce qui nous permet d’accompagner le produit jusqu’à sa mise en boutique. La lingerie est très technique comme produit.
Eres appartient au groupe Chanel. Quelle est son histoire ?
Eres a été créé en 1968 par Irène Leroux. Le nom vient des initiales que ses parents avaient donné à la boutique à l’angle de la rue Tronchet, qui est notre boutique historique. Les lettres R et S sont devenues Eres. Au début, il y avait aussi bien du prêt-à-porter Homme, Femme, qu’enfant. Puis est venue la révolution autour du maillot. Irène vendait séparément le haut et le bas du maillot et cela, toute l’année. La marque a perduré et elle a été rachetée par Chanel pour se développer. On a donc diversifié avec la lingerie et d’autres univers tels que le homewear, le beachwear et l’activewear.
Comment on fait une collection ?
Cela dépend des envies du moment. La collection qui va arriver en janvier en boutique a été conçue pendant le confinement avec les envies de cette période, c’est-à-dire de la verdure, des choses joyeuses, vives et de la nature. C’est pour ça que la saison prochaine se concentre sur la méditerranée qui couvre un nombre de cultures assez large. Chaque couleur est évoquée par un nom. On va avoir pêche, brugnon pour rappeler un côté gourmand, un orangé limonade, en déco avec un terre cuite, le végétal avec la sauge, la terre avec un marron terre brûlé et algue. À chaqfois il s’agit d’une association terre et mer. J’aime bien être entre les deux et proposer un côté versatile. C’est comme un puzzle, tout est organisé dans ma tête et c’est assez instinctif. Je le travaille un peu comme une garde-robe. Il est rare de voir un modèle exister dans quinze couleurs, il faut choisir pour les boutiques. Je préfère choisir la bonne silhouette. Pendant ce confinement, c’était un retour aux sources et chez Eres on a des modèles et accessoires iconiques tels que les anneaux, la boucle, les zips, les œillets. Un maillot Eres se reconnait, il n’y a pas besoin d’avoir la marque, il y a la matière et le style.
Quel est le style Eres ?
Il est épuré. C’est l’architecture du corps donc il est assez graphique. Il doit aussi être fantaisie tout en restant chic. Les couleurs sont très travaillées. On peut prendre un vert sauge qui s'apparente vert à côté d’une couleur ou gris à côté d’une autre. J’aime ce côté indéfinissable de la couleur. Sur la peau, au soleil, au contact de l’eau, elle va encore changer. Il y a un dégradé sur la couleur qui est très Eres. Le graphisme, la pureté, les lignes, les coupes justes sont propres à Eres. On a de grandes gammes pour aller à différentes morphologies.
Comment sais-tu quand un produit est abouti ?
Il est abouti quand il est parfait sur différentes personnes. Il y a des tests au porté qui sont faits. La couleur, la matière sont testées à la lumière, au chlore et au sel. On fait du mal au produit avant qu’il arrive en boutique et s’il y a un tissu qui ne passe pas il ne fera pas partie de la collection.
Tu nous fais visiter ?
Là on est dans la pièce principale avec notre cabine d’essayage pour faire circuler les mannequins quand on essaye. Il y a beaucoup de prototypes et de collections différentes avec nos boîtes d’archives. À côté nous avons toute la partie avec celles qui s’occupent du développement : Caroline, Alice et Madeleine. On a la coordination de collection, le développement coloris, le dessin technique, le sourcing des accessoires et des matières. On développe tout chez Eres. Plus loin, j’ai mon bureau. On a nos panneaux d’inspiration. Je ne suis pas souvent dans mon bureau car j’aime être auprès de mon équipe. J’ai les archives de magazines qui me suivent depuis que je suis chez Eres à Porte de Bagnolet. Il y a des Vogue, Numéro, L’Officiel…
Tu suis encore la presse imprimée ?
J’en achète par impulsion, de temps en temps. Avant j’étais accro, j’en achetais toutes les semaines. Mais je reste malgré tout accro aux magazines de décoration.
Dans une autre vie tu aurais été décoratrice.
Oui tout à fait ! Ce n’est pas un drame mais c’est sûr que j’aurai beaucoup aimé faire des boutiques, des restaurants et des hôtels.
Ce qui est remarquable dans le groupe Chanel, c’est la longévité des contrats des directeurs artistiques. Ça fait 13 ans que tu es là
Ça ne me semble pas si long parce que les gens changent et que c’est toujours une remise en question de soi de son travail. Chaque collection est différente, je n’ai jamais l’impression de faire la même chose car il y a toujours de nouvelles idées à développer.
À présent, nous voilà chez les modélistes.
Les magiciennes de la lingerie ! Elles retranscrivent tous les dessins et toutes les envies qui donnent corps au produit.
Dans le processus de fabrication, une fois que tu as dessiné les collections, vous faites tout ici ?
On choisit la matière au studio qu’on développe. Une fois qu’elle est validée on fait des premiers prototypes puis on décline la ligne. On fait des allers-retours entre essayages, mises au point et retour à l’atelier avec Solange notamment. Elle monte tous les prototypes et travaille sur les finitions et les savoir-faire. Elle a toute l’histoire de la maison dans sa tête et entre ses mains !
On continue…
On peut aller voir le bureau de Medhi qui est chargé des tests de matières. On a les machines à laver, la machine avec la lumière du jour. On a nos matières et on compare les couleurs. Comme on a beaucoup de fournitures différentes qui doivent aller sur un produit, c'est un casse-tête pour que tout soit de la même couleur.
Il reste l’atelier…
Tout est sur place donc on peut être rapide. On reçoit un tissu et il est testé dans la foulée.
Combien de modèles ça représente ?
En nouveauté, on a environ 160 modèles en bas. Je ne peux pas dire les chiffres exacts. On a Richard à la coupe. Ici on coupe avant d’aller à l’atelier. Les modélistes ont donné leurs modèles et Richard s’occupe de tout couper pour que les pièces soient ensuite montées. Puis on a l’atelier qui est tout proche avec tout le développement produit, les personnes qui sont à la technique, qui étudient les montages et font les prix. On a toutes les machines qui permettent de faire du maillot de bain, de la lingerie, que de l’activewear ou du homewear. On a une bibliothèque de coloris de fils assez large avec toutes les fournitures qui vont sur les modèles.
Toi qui es une observatrice de notre époque, qu’en penses-tu ?
Il y a plein de trucs super qui sont développés mais qu’il y a aussi trop de choses qu’on se perd. Il y a trop d’uniformisation aussi. Par contre, je trouve ça super qu’on retourne un peu aux sources. Avec le Made In France, ces marques qui veulent faire le bon produit, je pense que la génération de mes enfants est plus dans cette optique d’acheter local, moins et mieux.
Es-tu heureuse dans ton époque ?
Oui mais j’aurais aussi aimé vivre dans d’autres époques. J’adorais les années folles d’un point de vue mode. Je regrette l’élégance qu’il y avait dans les années 30, 50. Quelles que soient les personnes, tout le monde faisait un effort pour s’habiller et on est moins dans cette optique aujourd’hui.
Que faut-il te souhaiter pour la suite ?
Du soleil, des vacances, de la créativité et de la gaité !
Est-ce qu’on a réussi à dépeindre qui tu étais
Je ne sais pas mais on a vu un certain nombre de choses.
Crédits photos RÉUNI
Références :
Marie-Paule sur Instagram @imetesoru : https://www.instagram.com/imetesoru/
Eres : www.eresparis.com
À propos du 19M : https://fr.fashionnetwork.com/news/Chanel-devoile-19m-le-nouveau-quartier-general-de-ses-metiers-d-art,1145954.html
Slavik : https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2014/09/02/slavik-le-decorateur-des-drugstores-publicis-est-mort_4480142_3382.html
Adresses :
Le Bon Marché : www.24s.com
24 Rue de Sèvres, Paris 75007
La Grande Épicerie : www.lagrandeepicerie.com/fr/
38 Rue de Sèvres, Paris 75007
Rose Bakery : http://www.rosebakery.fr