L’usage du cuir par les marques éthiques et éco-responsables est controversé. Pourtant nous avons fait le choix de l’utiliser pour nos bottines, les Chelsea Boots. Nous vous expliquons ici pourquoi.
Note préalable : Pour certaines personnes, le critère de la souffrance animale dépasse tous les autres. A travers cet article, nous ne cherchons pas à convaincre qui que ce soit. Nous souhaitons plutôt expliquer de manière transparente notre démarche, comme nous l’avons toujours fait.
Le projet des Chelsea Boots
Vous nous connaissez, nos critères pour créer notre version des Chelsea Boots étaient exigeants : les bottines devaient être intemporelles, confortables, à faibles impacts environnementaux mais surtout d’une qualité irréprochable pour qu’elles puissent vous plaire, pour que vous les portiez souvent et longtemps.
Tout d’abord, il est bon de rappeler que les chaussures sont les pièces les plus malmenées de notre vestiaire car portées de manière intensive et répétée. Pour ces boots, il nous fallait ainsi un matériau qui soit le plus résistant possible : solide pour être porté fréquemment, imperméable à l’eau, respirant, absorbant l’humidité et les odeurs mais aussi confortable.
Le plus grand défi de nos premières chaussures a été le choix de la matière principale, afin que toutes les cases de ce pointilleux cahier des charges soient cochées.
Quel cuir choisir ?
1. Le cuir végétal
En premier lieu, nous nous sommes penchés sur des matériaux innovants et biosourcés : les cuirs fabriqués à base de déchets végétaux organiques (pomme, raisin etc.) revalorisés. Sur le papier, ces matières semblables au cuir classique sont pleines de promesses. Toutefois, aujourd’hui pour créer une matière proche du cuir, les végétaux sont enduits de polyuréthane. Or cette matière est un dérivé de plastique, ce qui n'est donc pas la bonne solution à nos yeux. Il n'est aujourd’hui techniquement pas possible de remplacer ce polyuréthane par des matériaux à faibles impacts environnementaux qui soient suffisamment résistants, respirants pour la peau et qui se bonifient dans le temps aussi bien que le cuir.
2. L’upcycling de cuir traditionnel
Nous nous sommes aussi penchés sur la possibilité d’utiliser des cuirs issus de stocks dormants (comme nous l’avions fait pour notre sac, le Crossbody). Cette démarche de surcyclage ou upcycling (action de récupérer des matériaux ou des produits dont on n'a plus l'usage afin de les transformer en matériaux ou produits de qualité ou d'utilité supérieure) aurait été en parfaite adéquation avec notre désir de limitation de notre impact. Malheureusement les matériaux proposés ne correspondaient pas à nos besoins en termes d’esthétique et de confort.
3. Le cuir traditionnel
Nous avons alors envisagé la solution la plus conventionnelle : l’utilisation d’un cuir classique. Cela nous a pas mal tiraillé car son usage posait la problématique de l’éthique animale et de ses impacts négatifs sur l’environnement (principalement les gaz à effet de serre, l’usage intensif de l’eau générés par l’élevage bovin et le tannage), et en même temps cette matière correspondait parfaitement à nos attentes en termes de qualité et de rendu.
En effet, le cuir reste une matière qualitative qui dure dans le temps. Nous sommes donc partis du principe qu’une chaussure de qualité en cuir portée deux fois plus longtemps qu’une chaussure fabriquée dans des matériaux ou procédés alternatifs, a une empreinte écologique bien moindre, d’autant plus si elle est précommandée, évitant en amont toute production et ressources inutiles.
Cette option nous a paru être la plus adaptée à notre projet. Ceci étant, afin de ne pas perdre de vue nos valeurs, nous souhaitions réduire au maximum nos impacts environnementaux et éthiques.
Le sourcing du cuir
Le premier élément qui nous paraissait essentiel était la provenance du cuir et le respect animal. Aujourd'hui, nous savons d'expérience qu'il est très difficile de tracer l'origine des cuirs utilisés dans l'industrie de la mode. En effet, les fermes conventionnelles ne tracent pas le pays d’origine de l’animal et ne marquent pas les peaux.
C'est pourquoi nous avons sélectionné un cuir de veau pleine fleur tanné en Italie par Conceria Europell, notre fournisseur, qui nous assure une provenance française de ses peaux. Sa localisation en Europe nous permet de garantir que les conditions de travail sont éthiques et que les distances en kilomètres entre les différentes étapes sont les plus réduites possibles. Nos peaux sont également certifiées LWG [Leather Working Group], ce qui garantit l’absence de substances dangereuses, la réduction de la consommation d’eau et d’énergie, et la sécurité au travail sur les lieux de production.
Le choix du tannage
Dans un second temps, nous nous sommes penchés sur le tannage du cuir et les problématiques environnementales et sanitaires que cette technique soulève. En effet, traditionnellement, le tannage minéral du cuir s'effectue à partir de chrome ou de sels d'aluminium, dont les substances peuvent être déversées directement dans la nature par certaines usines peu scrupuleuses.
Cependant, depuis quelques années maintenant, le tannage végétal se développe offrant une option plus vertueuse. Néanmoins, celle-ci n’était pas adaptée pour le cuir de notre bottine, car bien souvent elle confère un aspect plus sec, rigide, elle marque plus facilement et se patine différemment, compromettant leur confort et durabilité.
Ainsi, pour limiter les impacts humains et environnementaux négatifs du tannage minéral de nos bottines, nous avons fait le choix de faire réaliser celui-ci dans l’Union Européenne, car cela nous permet de nous assurer que :
- le tannage soit exempt de substances classées comme toxiques, et ainsi conforme à la réglementation européenne REACH,
- le taux de chrome usité soit suffisamment bas conformément à la loi pour ne pas être dangereux,
- les émissions des substances dans les eaux soient maîtrisées et en adéquation avec la législation,
- les conditions de travail et de sécurité dans les usines soient éthiques et encadrées,
- le tannage effectué confère au cuir une résistance à la lumière et à l’usure.
Conclusion
Vous l'aurez ainsi compris, la conception technique des bottines a été pour nous un gros défi, qui nous a contraint à nous poser beaucoup de questions et à multiplier les recherches.
Nous retenons de tout cela qu’à date, pour fabriquer des chaussures, la matière idéale en termes d’esthétique, confort, traçabilité et impacts environnementaux et humains moindres n’existe pas (encore). Dans un tel contexte, tous les points de vue pro ou contre cuir sont valables et entendables.
Nous souhaitons surtout que la recherche et développement fassent des progrès rapidement et que les impératifs de traçabilité légaux se renforcent et se répandent dans les prochaines années, permettant d’offrir des cuirs plus traçables et vertueux.
En attendant, nous espérons que ce modèle vous plaira et n’oubliez pas que bien entretenir vos bottines rallongera de manière importante leur durée de vie, que nous souhaitons la plus longue et belle possible.
Article coécrit avec Fanny de la page Instagram @the_greenimalist
Crédits photos RÉUNI, Sophie Tajan, Quentin Simon