Hydro - Collaboration avec Garance Vallee
Benjamin Guedj.
Le Monde de RÉUNI explore l'univers, le parcours et les points de vue d'artisans, d'artistes, d'entrepreneurs, de personnalités des industries créatives et culturelles qui contribuent à la préservation et à la valorisation des savoir-faire et qui influencent d'une manière ou d'une autre notre esthétique et notre art de vivre.
C'est très jeune que Benjamin Guedj se fascine pour le graphisme et l’objet, il en a d'ailleurs fait son métier et se définit aujourd’hui comme designer multidisciplinaire. Photographie, architecture, modélisation sont autant de compétences au service du design, qu’il appréhende pas à pas comme il aime à le dire. Réel et virtuel sont des mondes aux frontières poreuses qu'il aime faire dialoguer et dont il explore les contours quotidiennement.
Entrepreneur dans l’âme, il crée sa propre marque à seulement 12 ans, puis développe un second projet entrepreneurial avec son père qu'ils revendent en 2011. En parallèle, il affute son regard sur le design, et met ses compétences graphiques et digitales au service de grandes marques comme Sézane ou Captain Train.
S'il s'est fait connaître grâce à son imagerie 3D minimaliste et colorée, Benjamin se concentre désormais sur le design d'objet avec sa propre marque Bureau Benjamin dont le première série de lampes La Meringue connaît un franc succès.
Retrouvez l’intégralité de l’interview sur toutes les plateformes d’écoute de podcasts, ainsi que la retranscription en bas de la page.
La consigne.
Bonjour Benjamin, comment te présentes-tu hors de ton contexte professionnel ?
Je me présente en tant que designer multidisciplinaire. Je fais du graphisme à la base et aujourd'hui, je fais de la 3D et des objets. Ceux à qui ça parle, c’est bien, sinon j’explique un petit peu ce que je fais pour que les gens puissent un peu mieux visualiser.
Tu es la première personne qui n’a pas voulu que je photographie son intérieur…
C’est une forme de timidité plus que de “control freak''. Mon bureau n’est pas très glamour non plus. J'aimerais bien créer un lieu qui me ressemble un peu plus, même si ici, ça me ressemble. J’aime créer des lieux et j’en suis seulement au début.
Il n’y a rien sur moi, j’ai juste envie de montrer ce que je fais et je suis un peu à contre-pied de l’influenceur qui va montrer sa vie.
Tu me reçois dans ton appartement du 11e arrondissement, est-ce que tu peux me décrire ton appartement ?
C'est mon premier achat donc c’est un appartement important pour moi. J’avais envie de le faire à mon image, de le décorer, de casser un peu ce qu'il y avait dedans. Il est assez brut, en termes de matériaux, je voulais quelque chose d'assez chaud. Il y a cette cuisine, que tu vois tout de suite en rentrant. Je l’ai faite faire à moitié au Portugal pour le plan de travail en marbre, et à moitié avec un menuisier pour les portes en chêne teintées. J’ai passé beaucoup de temps dessus, c'était très long au final, au regard de la taille de la cuisine, qui n’est pas si grande. C’est quelque chose d'assez brut et parisien à la fois, avec des touches de couleur, qui me ressemble plutôt bien finalement. Tu verras toujours du rose et du orange chez moi. J’aime bien avoir des touches de couleurs, contrairement à mes 3D d’ailleurs. J’aime bien mélanger quelque chose d’assez brut avec des touches de couleurs.
Je pense que chaque objet me rassure.
Le beau, à regarder, c’est une émotion qui me touche.
Parle-moi des objets qu’il y a dans cette pièce…
Ici, il y a la Petite Meringue, qui est la lampe que je suis en train de sortir, mais qui est toujours en fabrication, car j’ai pris un peu de retard. Derrière toi, il y a la Grande Meringue. Ce sont donc des lampes que je vais bientôt sortir. En dehors de cela, il y a d’autres petits objets électroniques que j’aime beaucoup, la petite enceinte Sonos, la petite bouteille Goodmoods vert, la machine à café qui est une Rocket Espresso, et qui me tient à cœur. Il y a une petite lampe Artemide, que j’adore et que j’ai depuis le début. Des objets assez simples finalement, qui me rassurent.
Comment décris-tu ton esthétique ?
Minimale, colorée, je pense que c’est ça mon esthétique. Je n’en suis qu’au début d’un point de vue visuel, mais ce que je montre sur mon Instagram et ce que je construis virtuellement, c’est un peu le chemin que j’ai envie de prendre. Demain, si je construis des lieux, ce que j’espère, cela ressemblera à ce que j’ai pu designer sur mon Instagram. Dans mon esthétique est minimaliste et colorée, tu trouveras toujours des formes chaleureuses comme mon canapé boudin vert par exemple, c’est toujours des choses qui t’enveloppent.
Comment es-tu arrivé à cela ?
Je viens du graphisme à la base et j’ai beaucoup travaillé avec les formes rondes et les volumes dans l’espace, donc j’ai travaillé mon œil dans ce sens là et aujourd’hui c’est ce que j’aime. Tu ne verras jamais quelque chose de très carré chez moi, tu verras toujours des angles arrondis. C’est comme cela que c’est venu, mais il y a aussi des choses que je n’explique pas. Je pense que le gabarit joue aussi. J'avais des cours de mode à l’école et ils nous avaient expliqué que l’on dessinait des silhouettes qui ressemblaient beaucoup à notre propre morphologie, j’avais trouvé cela marrant, car j’étais incapable de faire une silhouette de femme très fine et finalement, je n'arrivais pas à dessiner comme ça, je dessinais des choses très rondes.
Cusine rose.
Le petit côtelé.
Quel est ton parcours, qu’est-ce qui t’a amené à devenir designer d’objet ?
J’ai commencé assez tôt à m’intéresser à l’objet. Quand j’étais en primaire, le père de mon meilleur ami était PDG de la marque de streetwear Royal Wear et on passait nos vacances scolaires là-bas et j’étais fasciné, je passais mon temps à regarder les graphistes qui floquaient les t-shirts. Je me disais que c’était ce que j’avais envie de faire de ma vie. La marque cartonnait donc j’avais une sorte d'illusion parfaite que ce que pourrait être le futur associé à un job amusant. Cela passait par l’objet, par les fans, par la boutique, on passait beaucoup de temps dans la boutique. Cela a beaucoup façonné ma vision pour la suite et j’ai monté une marque de vêtements à mes 12 ans. C’était une marque de t-shirt qui s’appelait Brands et je dessinais des choses drôles et esthétiques à la fois. Par exemple, j’avais fait un visuel d’une Barbie avec de la barbe qui s’appelait Barbu. C’était l’époque où l’on faisait des t-shirts funs et esthétiques à la fois. J’avais cette folle envie d’entreprendre. À l’époque j’ai quand même vendu entre 300 et 400 t-shirts, j’avais créé mon site web, c’était le début du e-commerce. Et à ce moment, je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup le digital et je suis entré dans cette vague de webdesigner, j’ai créé un site qui permettait d’envoyer des sms. Cela a duré un peu de temps entre le collège et le début du lycée et je devais gérer un peu tout à la fois. Il fallait faire un choix qui me permette de rester à l’école, mais sans quitter ce que j’avais créé. Mon père a démissionné, nous avons monté une équipe et c’est devenu un projet sérieux qui a bien grimpé jusqu'à la revente en 2011.
À partir de là, j’ai intégré une école de graphisme mais cela ne se passait pas très bien car je n’avais pas envie d’aller à l’école, j’avais envie de travailler. À ce moment-là, je rentre dans une agence de webdesign et je développe mes compétences. Je commence à toucher à des sujets un peu plus luxe avec Dior par exemple et je suis passionné, je suis jeune, mais on me laisse faire des choses dans le monde des grands. Je deviens rapidement freelance et je travaille un peu pour tout le monde. Je rencontre Morgane Sézalory pour le lancement de Sézane, on s’est très bien entendu et j’ai géré la Direction Artistique de la marque, j’ai aussi travaillé pour Captain Train. Je me suis promené un peu partout et à un moment, je me suis dit qu’il me manquait quelque chose. Je suis quelqu’un d’anxieux et je passais beaucoup de temps derrière un ordinateur. Il y a eu un trop-plein d’informations, de lumières bleues, d’écrans donc il fallait que je revienne à mes premiers amours : l’objet. Avant de faire cela, je voulais apprendre l’objet, la 3D me semblait être un bon médium. J’adorais l’architecture d’intérieur. Il y a une vague de personnes depuis dix ans qui font des rendus 3D pour les catalogues IKEA, personne ne le sait, mais tout le catalogue est modélisé en 3D. J’étais fasciné par cela et je me suis mis à la 3D, mais ça demande beaucoup de compétences : la modélisation 3D, la photographie, les textures, la lumière, l'architecture, la gestion de l’espace. Donc j’ai dû mélanger toutes ces compétences et cela m’a pris environ deux ans pour me stabiliser. Je n’arrêtais pas de modéliser des objets, je ne trouvais pas et je suis arrivé un matin à la lampe meringue. J’étais à l'aise de sortir une lampe, ça me ressemblait. Je suis passé du design 3D à un projet de fabrication de lampes. Ensuite, j’ai eu une année de R&D pour trouver les bons fabricants et essayer de rendre le projet réel. J’ai appris la patience pendant toute cette année. J’ai aussi appris à savourer l'effort et le réconfort de recevoir le premier objet. Ma Meringue, elle a une texture de peau, c’est le polymère qui donne ce rendu et la première fois que je l’ai touché, j’ai été électrifié, c’est assez fou de se dire que l’on part d’un dessin en 3D et que l’on peut arriver à la vie réelle.
Nous sommes dans le 11e arrondissement, pourquoi as-tu choisi ce quartier ?
C’est un hasard, je suis arrivé avec ma mère ici, il y a une dizaine d'années lorsque mes parents se sont séparés. Nous étions rue Chanzy, pas très loin d’ici. Je suis tombé amoureux du quartier, je vivais une nouvelle vie et je ne suis pas parti, j’ai cherché un nouvel appartement ici. J’adore cet endroit, car il y a un mélange de bon goût sans se la raconter.
Quels sont les lieux que tu aimes particulièrement à Paris et qui te font voyager ?
Je vais beaucoup au restaurant. Je voyage beaucoup en mangeant, j'adore me promener et tester de nouvelles adresses. Dès qu’il y a des nouveaux restaurants à tester, j'aime bien y aller.
Comment trouves-tu ces nouvelles adresses ?
Soit sur Instagram, soit mes amis me font des recommandations. Je bouge beaucoup comme cela. Cela me rend vraiment heureux de me dire que demain, je vais tester quelque chose dans le 3e arrondissement, puis après dans le 8e arrondissement. Finalement, c’est un peu comme cela que je voyage, à défaut de prendre le train et l’avion.
À quoi ressemble ton quotidien ? Tu es souvent derrière ton écran ?
Je suis beaucoup sur mon ordinateur. Mon quotidien est assez simple, le matin, j’ai un peu de mal à démarrer et j’aime bien cogiter, je réfléchis à l’avenir. Il se passe un million de choses le matin et j’ai du mal à partir au travail. J’arrive au bureau complètement excité puis ensuite, je fais ma journée comme un bon petit soldat. Je me suis créé une rigueur, car j’ai envie d’aller au bout de ma passion et de mes rêves. Quand tu es en freelance, tu peux vite partir à droite ou à gauche. J’essaye de m’imposer un rythme, je quitte le bureau tous les jours à la même heure entre 19h et 19h30 et je ne travaille pas le soir. Donc un quotidien plutôt banal en termes de rythme.
C’est cette monotonie qui te permet de sortir des choses ?
Je crois que oui. Il y a des personnes qui m’envoient des dm sur Instagram et qui me demandent comment je travaille. Je pense que, premièrement, il ne faut pas se mettre la pression, c’est mauvais pour la créativité. Mais surtout, j’ai pris un rythme avec un temps pour créer et un temps de pause. Il faut apprendre à vivre avec ce rythme.
Pour moi, il n’y a pas de limites, j’ai envie d’aller le plus loin possible. Demain, si j’ai envie de créer des buildings, j’aurai des contraintes, mais je m'adapterai.
Est-ce que tu es heureux dans notre époque ?
Je pense que je suis dans une forme de déni, car cette époque m'inquiète. Je suis anxieux et beaucoup de choses m’inquiètent.
Qu’est-ce qui t’inquiète ?
J’avais une mère qui était très inquiète pour ses enfants et qui m’a transmis cela. Le futur m'inquiète comme beaucoup de personnes. J’ai toujours l’impression que tout va s’arrêter le mois prochain, donc je me réinvente en permanence. Je me suis créé une forme d’exigence qui me rend inquiet sur le long terme.
Salle de bain.
Quel est ton rapport aux vêtements ?
Je suis très “basics”, j’aime bien avoir une petite touche de couleur, mais je reste très basique, je peux aller chez COS ou chez Uniqlo. J’aime bien les sneakers, je peux m'acheter une petite paire d’Acne ou d’AMI par plaisir. J’ai une paire d’AMI que je porte tout le temps, il y a un morceau d'élasthanne à l’arrière de la chaussure qui m'a rendu psychopathe, pendant trois mois, je n’ai pas arrêté de regarder ce morceau d’élasthanne. J'adore regarder les collections et les défilés. Je suis le premier à regarder un Loïc Prigent. Ma copine est aussi dans la mode. Les créateurs m’ont toujours fasciné. L’excitation de la création jusqu’au dernier moment, juste avant de sortir les collections, c’est quelque chose qui me fascine. J’avais suivi le lancement de RÉUNI à l’époque et j’adore cela, ce que tu fais et le fait d'étudier les gens, de trouver des solutions, comment on peut bouger, comment on peut créer un nouveau modèle, c’est aussi ce qui m’a toujours passionné et je trouve que RÉUNI, c’est aussi la résultante de cela.
Maison Jutra.
Qui souhaiterais-tu entendre dans le monde de RÉUNI ?
J’aimerais bien découvrir le monde de Titya Ravi qui est une créatrice de bijoux, c’est une bonne amie qui a une histoire passionnante à raconter.
Pour découvrir l’intégralité de l’interview retranscrite cliquez ici.
Retrouvez également l’interview sur toutes les plateformes d’écoute de podcasts.
Crédits photos RÉUNI.
Références :
Le compte Instagram de Benjamin Guedj : https://www.instagram.com/oursroux/?hl=fr
La marque Bureau Benjamin : https://www.bureaubenjamin.com/
Le site de Benjamin Guedj : https://www.benjaminguedj.com/
Goodmoods : https://www.goodmoods.com/fr/moodboards/la-consigne
Titya Ravi : https://www.instagram.com/tityaravy/